« Bite Me : des soirées électro avec des vrais musiciens »

À quelques heures d’une soirée musicale qu’il organisait au Connexion Live, on a rencontré Matthieu Miégeville. Fondateur de Jerkov, pierre angulaire du rock toulousain, Matthieu nous a parlé des soirées Bite Me dont la 1ere édition se déroule le 17 octobre au Bikini. On en a profité pour parler de Terre Neuve, des Intimités et de sa vision du rock à Toulouse…

Matthieu Miegeville

Merci Matthieu de nous accorder un peu de temps. Tu es programmateur de Jerkov, une structure qui accompagne aujourd’hui une quinzaine d’artistes, du local à l’international. Comment s’est créée et développée la structure ?

Nous sommes trois à l’avoir créé en 2004, à la base sur deux axes. Le booking, donc organisation de tournées, et le label, maison de disque tout simplement. La volonté première était de travailler dans la musique, mais pas que sous les lampions puisqu’on était tous les trois artistes. On avait envie de bosser dans les métiers de l’ombre. Un, parce que ça nous intéressait, deux, car on était passionné de musique et pas que de la notre donc on voulait pousser aussi d’autres groupes et trois, parce qu’à force d’avoir été plus ou moins déçus par le travail que d’autres faisaient sur nos propres groupes on s’est dit “faisons-le nous même !”

L’actu de Jerkov, c’est les soirées Bite Me, avec une affiche un peu provoque…

Ouais un petit peu… Jerkov a toujours été un petit peu comme ça, pour te faire le lien entre la création et Bite Me. On a toujours voulu pousser des artistes iconoclastes dans le sens où ça ne rentrait pas dans des calibres. Y’a toujours eu plein de modes qui se sont succédé, je crois qu’on est toujours passé à côté (rires), soit parce qu’on était à la traine soit si on est prétentieux on dira qu’on était avant-gardistes. En tout cas on était à côté. Y’a toujours eu chez Jerkov ce côté décalé, un brin provocateur, mais gentiment parce qu’il n’y a pas non plus un message provocateur chez Jerkov, mais oui un message investi, social et décalé, plus ou moins léger, en tout cas de ne pas se prendre pour plus que ce que nous sommes, avec un certain second degré.Visuel-référencement
Une de nos actus comme tu le dis ce sont les soirées Bite Me, qu’on lance avec l’asso Reg@rts, qui gère le festival Electro Alternativ. L’idée à la base, c’est de faire des soirées électro, avec un peu plus d’humanités et de côté organique : en gros tu n’auras pas que des mecs la tête dans leur Mac sur scène, y’aura des fois des vrais instruments, incroyable, avec des vrais gens qui joueront ! (rires) Dans l’électro, ce qui m’emmerde en live, n’étant pas un connaisseur de cette musique même si j’ai toujours été à l’écoute, c’est que je prends rarement des baffes, à part donc quand tu as des musiciens en live… L’idée c’est de mêler le côté électro traditionnel et DJing avec des groupes hybrides : par exemple Camilia Sparksss et Deux Boules Vanille qui sont deux groupes à tendance électro, mais aussi un peu rock, en tout cas très dansant, qui se mettront à côté d’artistes plus calibrés sur la scène électro, Danger, Aucan, Calvertron…

Une belle programmation pour une première ! C’est un concept de soirée qui sera sur quelle fréquence ?

Oui on a du canadien, de l’anglais, du suisse, de l’italien et du français… Maintenant faut que ça suive, c’est une première soirée donc c’est jamais évident, l’idée c’est de la brander comme disent les jeunes, pour qu’après on se dise “tiens y’a une soirée Bite Me ça peut être sympa“. L’idée c’est d’en faire deux à trois par an.

Bite Me c’est une idée de Jerkov, de Reg@rts, ou c’est un projet qui s’est dessiné ensemble ?

C’est une idée commune qu’on a eue avec Karim, l’un des boss de Reg@rts, qui est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, avec qui j’échange musique entre autres sujets. On a beaucoup de points communs et à un moment c’est devenu une évidence de bosser ensemble. On l’a déjà fait pour Groland où on a fait une soirée “Electro Alternativ invite Groland” en mixant l’univers Jerkov et celui de Reg@rd. C’était en 2013 il me semble… Donc on sait bosser ensemble, même si des fois on a tous beaucoup de boulot et c’est compliqué de bosser en collaboration, car t’as pas les mêmes habitudes et les mêmes repères, mais c’était ma volonté et aussi celle de Karim.

C’est une habitude pour Jerkov de bosser avec d’autres structures locales ?

Oui et j’ai envie de le développer de plus en plus. Premièrement, car je n’estime pas que Jerkov soit le roi du monde en orga’ de concert. Et puis aussi parce que j’ai une vie associative très fournie, très active depuis maintenant 18 ans quand même (rires)… J’ai rencontré énormément d’asso, et à part deux ou trois cons, sur Toulouse je me sens bien avec tous les acteurs de la musique au sens très très large. Là par exemple, on va faire une date avec Progrès-Son, une date caritative où on va récolter des jouets pour Noël… On a fait un truc avec Kalakuta, on va faire un truc avec Welcome in Tziganie… Donc ouais de plus en plus de partenariats, tant que rien n’est forcé et qu’il y a une raison humaine et artistique. Moi je ne ferme aucune porte, si une asso vient me voir demain et me dit “on a une idée” on prend rendez-vous, on prend un café ou une bière et on en parle !

Jerkov, c’est aussi le Festival des Intimités, l’édition 2015 ressemblera à quoi ?

Pour l’instant, on n’en parle pas… On sera sur une nouvelle période et sur une forme différente. Aujourd’hui, je ne peux pas trop t’en parler.

J’aurais pas de scoop alors !

(rires) Si tu en auras un quand même : on travaille sur quelque chose de vraiment plus ambitieux, mais pas en terme quantitatif, ni de fric ou de nombre de personnes dans le festival… On veut quelque chose de plus ambitieux et original en forme de festival, mais je ne t’en dis pas plus.

On va surveiller ça de près ! Tu es aussi une des figures du rock ici : MOPA, Psykup, Agora Fidelio et Terre Neuve qu’on aime beaucoup chez Opus. Des ambitions particulières avec ce projet ?

Des ambitions oui, parce qu’à partir du moment où je commence à jouer sur scène c’est pas pour jouer dans mon garage. Après le but ce n’est pas de devenir le Radiohead numéro 2, ces ambitions doivent être ancrées dans le réel qu’est la vie quotidienne des musiciens qui composent Terre Neuve…. Même si c’est quand même moi qui pilote le projet avec le maximum d’écoute de mes collègues, mais c’est vrai que les copains attendent que ce soit moi qui initie le mouvement ce qui est normal ! Mais je ne te cache pas que je cours un peu après le temps, entre Jerkov et le fait que je suis papa, j’ai du coup moins de temps que quand je n’étais pas papa… Toutefois, ce dont j’ai envie dans Terre Neuve, c’est d’écrire de belles choses et de ne pas me tromper d’ambitions: tournées, pas pour le moment, multiplier les dates, pas pour le moment… J’ai vraiment envie de créer et de tourner le travail vers l’artistique, quitte à avoir un truc un peu plus différent que ce qu’a était Terre Neuve… Faire quelque chose qui me meut, de l’intérieur, qui me bouge, me remue et que j’aurais encore plus envie de défendre et d’y donner encore plus d’ambitions !

T’es dans le rock à Toulouse depuis presque 20 ans, est-ce que pour toi le rock toulousain a évolué ces dernières années, si oui comment, et quels sont ceux qui poussent que tu nous conseilles de suivre avec beaucoup d’attention ?

Je pense que Toulouse a toujours eu une activité rock trépidante, au sens très large du rock. Mais ça s’est vraiment accéléré en 10, 15 ans. Après y’a pas que Toulouse hein, je pense que globalement y’a plus de groupes maintenant qu’il y a 15 ans. Le développement de la MAO (musique assistée par ordinateur), des home studio, des conditions d’accompagnement de plus en plus aisées pour les groupes…. Faire un groupe y’a 20 ans c’était quand même plus compliqué ! Aujourd’hui, tu peux jouer dans des endroits par si par là… Quand on a commencé, on s’est collecté pour acheter une sono qu’on emmenait dans des salles de fêtes ou des MJC nous-mêmes, personne ne voulait de nous : Psykup c’était une musique que peu de gens comprenaient et on faisait beaucoup de bruits ! (rires) Y’avait ce côté Do Iit Yourself qui existe un petit peu moins aujourd’hui : les jeunes sont un peu plus assistés on va dire… N’importe quel mec de Too Loose Punkers ou de Progrès-Son te dirait un petit peu la même chose ! À force de prémâcher l’accompagnement des groupes on enlève peut-être une sorte de fibre de débrouillardise qui moi me manque un peu… Par contre, les groupes sont extrêmement talentueux, jamais je ne dirai que les groupes étaient plus talentueux avant, au contraire, les jeunes sont beaucoup plus talentueux et largement meilleurs que ce qu’on était ! Il manque peut-être un petit peu cette folie, ce lâcher-prise en fait… J’ai connu les années 90′ j’aurai du mal à parler d’autre chose… Même au début des années 2000, c’était bien n’importe quoi !

Moi ce qui va m’intéresser, c’est des projets qui vont être un peu jusqu’au-boutistes, d’ailleurs pas obligatoirement dans un registre de décibels ! En projets posés justement, mais très réfléchis, y’a Uniform Motion qu’on a chez Jerkov, et Jens Bosteen qui est un folkeu admirable ! Un gars très talentueux. Dans un registre plus pop, ils ont été très exposés, mais pour moi ils le méritent, c’est Kid Wise : ils ont beaucoup travaillé leur écriture et c’est rare des gens qui prennent le temps de faire ça à leur âge donc c’est tout à leur honneur ! Dans un registre plus décibélométrique, j’ai toujours aimé un groupe qui s’appelle Sec, qui vient de Colomiers, ils sont complètement tarés ! C’est une sorte de Nomeansno, mais plus expérimental et encore plus intéressant ! Y’a Bruit qui Court qui a sorti un album vraiment magnifique, rock social on va dire. J’admire beaucoup ce groupe, car ils ont un courage d’écriture et d’investissement, sans même parler d’engagement politique ! Y’a un discours entier dans leur musique, chose qui est très rare aujourd’hui et c’est un groupe qui est vraiment à soutenir et qui a toute mon admiration… Et qu’est-ce que je pourrais encore te citer ? J’en ai programmé plein à Jerkov, je me débrouille toujours pour apporter une dimension locale… Y’a Sound Sweet Sound qui poussent de plus en plus aussi qui font des trucs super cools…Aussi I Me Mine pour qui il est en train de se passer plein de belles choses !

Après 15 à 20 ans de rock, comment vont tes oreilles ?

Très très bien étonnement ! (rires) J’ai fait des tests y’a pas si longtemps… Alors je me protège hein, bouchons, bouchons bouchons ! Mais heureusement ça va, c’est plutôt le cerveau qui ne suit pas des fois, je pense. (rires)

Et pour conclure, la petite question rituelle, mais qui pour toi sera un peu différente : dans un festival idéal, avec lequel de tes groupes tu jouerais, et avec qui tu partagerais l’affiche ? Tu n’as pas le droit de dire que ça serait avec tous tes groupes, trop facile ! (rires)

Alors avec lequel de mes groupes… Je dirais avec Psykup, parce qu’à rejouer avec Psykup y’a quelque chose de très positif, même si artistiquement je ne suis plus dans cette mouvance métal là… Les sensations données, ressenties sur scène sont excessivement positives ! Ça a aussi l’avantage d’être physiquement exigent donc du coup, je me maintiens en forme… Parce que si je devais jouer tous les soirs avec Terre Neuve, je pense que je prendrais 40 kilos en un an (rires) tellement ça n’exige pas une forme physique époustouflante et moi aimant bien manger et boire, je pense que j’aurais des problèmes. (rires)
Et avec quels artistes ? Alors ça serait le grand écart le plus grand possible parce que pour moi le fait d’être large dans ce qu’on écoute, c’est une vision de la vie, c’est une obligation pour ne pas écouter Jean-François Copé, pour ne pas voter FN dans 3 ans… Si les gens vraiment, VRAIMENT, étaient susceptibles d’écouter du reggae, de la musique malienne, écoutaient ce qui se fait dans l’électro, la chanson française, savaient ce que c’est le fado, les choses comme ça… Je suis persuadé que le monde irait mieux en ouvrant ses oreilles. Donc ça serait un festival avec Sigur Ros, Sick Of It All, BRNS, Ukandanz le chanteur éthiopien, un petit Massive Attack, avec au passage Stromae pour faire chier tout le monde, car tout le monde lui chie à la gueule alors que pour moi c’est juste énorme (rires) et puis je finirais par une reformation des 16 Horsepower.

Merci Matthieu, bon mix, car tu joues ce soir au Connexion… Et donc le rendez-vous est donné pour le 17 octobre au Bikini pour la première soirée Bit Me !

 

Rémy

Créateur d’Opus, Rémy est à la fois rédacteur et photographe dans notre media. Un mélomane qui écoute aussi bien du rock que du rap ou de la pop, et qui aime fouiller la scène locale.
C’est également lui qui gère le projet Focus d'Opus