Odezenne : « l’indépendance force la créativité »

Pour le festival Fuck Les Mayas On Est Encore Là, Jerkov a fait venir Odezenne à Toulouse. Le groupe vient de sortir son deuxième album, Dolziger Strat 2. Retour sur notre rencontre avec Alix, juste avant leur concert au Metronum. Une interview partagée avec Radio GMT et InTheMorning. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur cet album et sur sa faible diffusion en radio au grand regret d’Alix…

La tournée a débuté depuis déjà 2 mois. Comment sont les retours ?
Ils sont grave bien ! Le public est fou on a jamais eu de concerts comme ça. Ce qui est cool, c’est de voir que les nouveaux titres se mélangent bien avec les anciens morceaux. Le live est bien calibré, on joue tout le nouvel album, les plus connues d’OVNI, et parfois même quelques titres de Sans Chantilly.
On était impatients de savoir ce que ça allait donner. C’est l’album qu’on préfère car c’est le dernier, celui qui nous ressemble le plus au jour d’aujourd’hui.  On est toujours curieux de voir comment les gens réagissent, voir qui des fidèles va suivre, rester et apprécier. On est contents, rassurés.

C’est sûr que Dolziger c’est encore différent du reste. Certains fidèles sont nostalgiques des albums comme Sans Chantilly. Vous en pensez quoi ?
Je crois que les gens qui nous suivent aiment bien être surpris, voir où est-ce qu’on va aller. Les albums de Sans Chantilly et OVNI, on aurait pu en faire 2-3 pareils. Nous on se serait fait chier. Je kiffe grave tous mes albums, il n’y en a pas un dont je ne suis pas fier en fait.

Odezenne est en train d’exploser un peu !
En fait les concerts c’est clair ça marche de mieux en mieux, ils sont quasi complets partout. J’ai l’impression que c’est de plus en plus diffusé sur le net aussi. Après, on ne passe toujours pas en radio.  Je ne sais pas pourquoi, mais forcement quand tu passes pas en radio, tu vends pas masse de disques. On niveau des ventes c’est pas ouf. Nous on est très contents, mais voilà c’est pas comparable avec des Julien Doré tout ça. Donc le terme explosé ne convient pas vraiment.

Nous notre vie on la gagne en tant qu’intermittents, donc en gros c’est la scène qui nous fait vivre. T’as pas besoin de vendre 10 000 disques. Tu en vends 1000, tout l’argent est pour toi et tu peux direct le réinvestir dans les clips, dans les trucs. Si on ne vend aucun disque on aura du mal à continuer à faire des clips et tout, mais ce n’est pas le cas donc tout va bien !Après, en vendre des wagons perso, je m’en branle tu vois, j’ai pas envie de jouer dans des Zenith tu vois, donc moi ça me va en fait.
Pour les passages en radio, je suis juste curieux en fait et je ne comprends pas pourquoi par exemple Bouche à lèvre, titre qu’on a sorti, il a cartonné tout de suite sur le web, en concert les gens kiffent grave ce titre, et toutes les radios ont refusé de le rentrer dans leur play.
C’est bizarre même une radio comme Nova ! Ils ont écouté le disque, ils ont fait « Ouais non ». Pour le Mouv, je crois qu’on n’est pas assez urbains, pour Nova on n’est pas assez lisse. Là y’a Fip qui joue Bouche à lèvres depuis une semaine : c’est cool mais c’est pas un passage par jour qui va faire vendre.

On vous a déjà entendu en radio nous, mais sur des radios universitaires…
Ça par contre c’est vrai que aujourd’hui nos seuls alliés ce sont toutes les radios Campus, tout ce réseau associatif. Moi franchement ça me va. Je trouve ça un peu dommage que ça ne joue pas plus dans d’autres radios. Mais d’un autre côté je ne voudrais pas passer sur Sky, je ne voudrais pas passer sur NRJ, ça me ferai un peu chier.

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Quand tu vois aujourd’hui que France Inter diffuse Oxmo, pourquoi pas vous ?
Ben France inter j’étais un peu déçu. Ils ont rentré Bouche à lèvres en playlist mais ils le jouent entre 2h et 4h du matin… C’est un truc un peu bizarre, on se heurte régulièrement à une espèce de puritanisme des programmateurs de radios, alors que les critiques sont assez unanimes sur l’album, les gens aiment, il y de bons retours. Les radios, elles sont là genre « Ouais c’est un peu cru. » Alors que Bouche à lèvres, elle n’a rien de choquant. Enfin, ce n’est pas parce que tu dis cyprine à la fin d’un morceau que ça y est, c’est vulgaire ! Après je pense qu’on a été victime du clip qui est un peu plus trash tu vois, et du coup, les gens y s’en font fait une image. Les programmateurs, à mon avis, ce sont eux qui s’autocensurent un peu.

Comment ça se passe l’organisation du groupe ? Comment vous arrivez à tout gérer, en tant qu’indépendants ?
On a cédé une licence de 5 ans à un label indé qui s’appelle Tôt ou Tard. Ils s’occupent de la distribution et de la promotion. Nous, on fait toute la prod’ : clip, album, affiches…  Dès que ça touche à l’image ou au contenu artistique du groupe c’est nous qui gérons. La promo et la distrib’ commençaient à nous prendre tout notre temps. Et du coup, ça laissait de moins en moins de temps pour l’artistique. C’est la limite de l’indépendance : à partir du moment où tu es indé, tu commences à capter beaucoup de gens, et tu deviens dépendant de ton indépendance au niveau de la masse de travail.

On vous compare souvent à Fauve. Est-ce que ça vous agace ?
Ben ouais, ce n’est jamais agréable d’être comparé, pas plus à eux qu’à d’autres. C’est juste que je trouve que parfois, c’est un peu facile. Après, je peux comprendre… Non en général quand on nous compare à quelqu’un, ça m’emmerde tout le temps. Il y a une autre groupe qui revenait pas mal c’était Diabolo Gum. En fait, c’est juste que c’est un peu un raccourci intellectuel pour pas faire la démarche de trop expliqué ce que t’écoute et dire « Ça fait penser à ça, et ça ».

Vous avez des plans pour l’avenir ? Pour après la tournée ?
La tournée s’allonge, on a plein de dates qui arrivent ! On nous a confirmé le Printemps de Bourges, ça peut annoncer pas mal de festoch’ derrière, c’est un peu le début de saison ! Et puis, on est en train de monter un studio de répétition à Bordeaux. On peut maquetter et je pense qu’on va préparer un autre disque. Et on a plein de clips à faire, puisque l’on veut clipper tous les titres de Dolziger !

C’est pour ça que vous avez fait un disque court alors ?
En fait on a fait un disque court parce qu’on s’est aperçu que souvent, quand t’u fais un disque comme les premiers, il y a vraiment des titres qui passent à la trappe. Je trouve que c’est un peu dommage que certains titres n’aient pas eu la résonance qu’ils méritaient, comme Meredith par exemple. Du coup on s’est dit qu’on allait resserrer un peu le truc, essayer de faire des albums un peu plus cohérents, quitte à en sortir plus. On ne va pas attendre 3 ans pour le prochain.

Pour Dolziger, ça nous tenait vachement à cœur de les faire tous. En plus cet album il est court parce que clairement c’est la période Berlin. Ce qu’on a produit là-bas, c’est hyper cohérent, en tout cas pour nous. Quand on est rentrés sur Paris pour arranger les morceaux, on a écrit 7-8 titres en plus. Mais quand on l’a regardé avec du recul, c’était imperméable ce qu’on avait fait à Berlin, ça se mélangeait mal avec le reste, donc du coup on s’est dit « Non, on va le sortir comme ça ! ».

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Vous travaillerez toujours avec les mêmes réalisateurs pour les prochains clips ?
Ouais y a Romain qui était là, et qui nous suit en tournée maintenant. Et Vladimir de Bouche a lèvres et de Dedans. Ce sont devenu des potes. J’ai été cherché une meuf en Belgique qui s’appelle Marine Dricot, qui bosse super bien et on va commencer à faire des clips ensembles aussi.

Toujours dans l’esprit de fil d’animation ou pas ?
Non, ça dépend des projets en fait.

Ne pas être diffusé en radio, ça ne pousse pas justement à être plus présents, créatifs et qualitatifs pour faire parler de vous au-delà des concerts ?
Ben disons, qu’effectivement, l’indépendance, ça force à la créativité. On n’a pas les moyens financiers pour faire des campagnes de ouf pour couvrir pleins de gens, ni les canaux plus traditionnels pour diffuser la chanson tel quelle. Donc à un moment donné, pour la faire vivre, il faut soit lui donner corps avec de l’image, soit avec une communication un peu originale. Du coup c’est fatiguant.

Ça vous est venu comment la créa de la pochette ?
C’est venu en discutant avec Edouard, avec qui on l’a faite. Il avait déjà réalisé la pochette d’OVNI, c’est un pote de Bordeaux qui vit à New-York aujourd’hui. Il est spécialisé dans les installations, les trucs un peu délire art contemporain, complètements barrés. C’est un mec un peu ouf.12043146_10153733739414434_313938615024471591_n

Quand on est rentrés de Berlin, je lui ai envoyé les sons en lui disant « Tiens, si ça t’intéresse de bosser dessus ! »  Il a kiffé, on a discuté, on lui a raconté notre aventure à Berlin. Puis, plus trop de news pendant 3 mois, il nous disait qu’il bossait. Et là il nous envoie le truc. Un losange bleu tu vois tout misquine. Je me disais, « il se fout de ma gueule ! » .
Du coup, je l’appelle et je lui demande ce que c’est ? Et là il nous explique : « Dans le langage des cambrioleurs, ça veut dire « maison inoccupée ». C’est ce qu’on écrit en petit sur les maisons, ça veut dire qu’on peut venir péter la maison et tout. Vu que vous avez fait ça à Berlin et que le titre de l’album c’est le nom appartement, il faut le prendre comme une invitation que vous donnez au gens pour venir cambrioler votre univers ! »

Au fil de nos discussions, on s’était mis d’accord sur le fait qu’on pense qu’à partir du moment où on sort un album, il ne nous appartient plus. Les gens ils en font ce qu’ils veulent, ils habillent leurs souvenirs, ils prennent ce qu’ils ont envie de comprendre. Donc il y a vraiment un truc de dépossession du truc que t’as fait.
Et donc ça collait vachement avec ça. Il nous a dit : « Si vous vous en sentez l’énergie, faites une édition collector. Vous pétez la porte du studio pour symboliser le fait que vous donnez vraiment, pour symboliser l’effraction, le fait que vous donnez les clés du truc. » On ne l’ pas forcément expliqué, on l’a pas assez dit mais à force de le dire, ça va venir ! Ça va faire son bout de chemin.

Est-ce que tu pourrais nous résumer 4 titres très brièvement : Satana, Cœur à prendre, Vilaine et Cabriolet ?
Satana : Cadenas. C’est parce que quand on est arrivé à Berlin, Satana c’est le premier morceau qu’on a fait. En fait avant de trouver l’appart rue Dolziger on dormait dans le studio pendant 3, 4 semaines. En bas il y avait un club qui s’appelait Subland, un club hardcore dédié à la culture de la basse, et t’as tous les murs qui tremblaient du jeudi au dimanche. Tu pouvais pas dormir, et nous on était HS ca commençait à devenir lourd. On devait mettre un cadenas parce qu’il y avait tous les clubbers qui traînaient dans le coin et on voulait dormir donc on se sentait enfermés dans ce truc. C’est pour ça c’est le premier morceau qu’on a sorti. Super gay.

Corps à prendre : Je dirais « difficile », car c’est le dernier morceau qu’on a écrit et on a eu vachement de mal à le finir. Jaco avait fait un texte qui était vraiment cool, et moi j’avais commencé à écrire mon premier couplet sur la chanson. Et on n’arrivait pas à lier nos deux musiques, c’était compliqué, vraiment. C’était le morceau casse-tête de l’album. On a mis 13 mois à le terminer !

Cabriolet : Gainsbourg parce que c’est à force d’en écouter que j’ai osé écrire ce refrain.

Vilaine : Ben Vilaine y a rien d’autre à dire !

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Dans l’idéal, dans quel festival vous aimeriez jouer, quel endroit ?
J’aimerais bien jouer à Coachella, avec Mac Demarco et Earl Sweatshirt. Et Death Grips.

On vous verra à Dour cet été ?
On jouera à Dour cet été ! On avait déjà joué en 2012 là-bas, c’était énorme, c’est un putain de festival. En parlant de festivals, si vous ne connaissez pas, il faut y aller: le Fusion à côté de Berlin. C’est au milieu de la campagne dans une ancienne base militaire et c’est complètement dingue. Y a du son 24/24 pendant 5 jours. C’est à l’allemande quoi. C’est un tirage au sort pour y aller donc faut vraiment être motivé. C’est une loterie y a pas de place pour tout le monde.

Puisqu’on est un webzine de découvertes musicales, tu ferais découvrir quoi à nos lecteurs ?

Death Grips je le redis, j’adore et je conseille d’écouter. Et pareil, Mac Demarco, l’album Salad day est vraiment bien.

Nastasia

Le webzine musical toulousain