Budapest : « En Angleterre on va faire de la petite scène, à hauteur du public, et on adore ça ! »
La veille de leur départ pour une tournée en Angleterre, on a rencontré Olivier, chanteur de Budapest. L’occasion d’aborder ce voyage qui les attend, mais également la sortie de leur premier album, Alcaline. Une interview autour d’un verre, bercée par le son de Gorillaz que diffusait à ce moment-là le Snapper Rock…
Ça y est, le premier album de Budapest arrive ! Alcaline. Tu peux nous raconter l’histoire de cet opus ?
Olivier : Ouais, il est en précommande. L’histoire de l’album c’est presque celle du groupe. Ça fait 3 ans et demi 4 ans qu’on s’est formé. Au départ c’est une rencontre entre Hervé le guitariste et Gaëlle la chanteuse. Hervé s’est dit « tiens je vais faire des morceaux pour que Gaëlle les chante » et puis il a contacté des zikos qu’il connaissait déjà depuis longtemps… Ca fait presque 15 ans que Hervé, Nico le batteur et Irwin le clavier jouent ensemble. Il les a branchés sur le projet, moi j’étais aussi là en parallèle avec un autre projet qui réunissait quasiment les mêmes musiciens et on a finalement chanté à deux avec Gaëlle. Un projet qui a la base était très orienté trip hop, avec 5 ou 6 morceaux plus ou moins là qu’on a commencé à faire tourner ensemble.
Ce sont les morceaux du 1er EP dont tu parles ?
Notamment ouais ! Et ça s’est fait petit à petit. Il a fallu beaucoup de temps pour qu’on prenne nos marques, que les morceaux soient les nôtres parce qu’à la base on ne les a pas écrits tous ensemble c’est Hervé qui les a écrits ! Il a fallu du temps pour trouver les bons arrangements, les bons appuis, qu’on les personnalise, qu’on se sente bien dedans. Et puis toujours dans cette énergie la, on a composé ensemble, on s’est retrouvé avec une dizaine de morceaux au final qu’on jouait sur scène. On a toujours travaillé en autoprod’, le studio en même temps que la répétition, toujours composé par le studio en fait. On était en répèt’ mais on enregistrait tout de suite pour avoir une trace. Et au bout d’un moment on s’est presque retrouvé au bout du chemin qu’on pouvait faire avec ces morceaux-là, donc on a fait appel à quelqu’un d’extérieur, qui a tranché les questions qu’on n’arrive pas à trancher nous-mêmes. On est rentré en studio à ce moment-là, un studio dans le Tarn, Colorbox, chez Pascal, un fou ! Ça nous a aidé à finir le truc… On est quand même rentré en studio en août 2013, on en est sorti en septembre 2013, un mois de prise de sons… Et après on est rentré en mixage ! On a masterisé en mai 2014 (rires) et on sort le disque en novembre ! C’est très long, mais on fait tout nous même ! On a trouvé un coproducteur pour débloquer des budgets booking, attaché de presse… Ca ne se fait pas tout seul, ça prend beaucoup de temps, mais tout ce temps qu’on a mis on ne le passera plus, car on sait comment faire désormais ! On a des contacts, on connait la méthode, comment faire un site, prendre une bonne photo de groupe, etc … Au-delà de la musique.
Tu parlais du financement et justement pour cet album vous avez fait appel au financement participatif… Une super reconnaissance, car l’objectif a été atteint !
Ouais ! On a commencé le KissKissBankBank en août 2014, on a flippé un peu sur la fin : on était à deux tiers et ça bougeait plus… On a fait une petite newsletter, et les gens ont réagi ! Bien sûr y’a tous les potes, la famille, mais y’a aussi des gens qu’on connait pas… Y’a un Nantais par exemple, Mr Mauduit Christophe de mémoire, qui a balancé 100 boules, et vraiment on sait pas qui est ce gars ! (rires) On a quand même réussi à force d’envoyer des mailings et de demander de partager, à toucher un public qui, je pense, ne nous a jamais vus en live ! C’est plutôt une belle surprise et on se dit qu’on est redevable envers ces gens-là !
Sur le premier EP, Grenade, on avait un son pop rock électro assez sombre… C’est votre signature ou c’était le temps d’un EP et on aura une autre couleur sur Alcaline ?
Ouais y’a un côté sombre dans Budapest c’est certain, qu’on revendique ! Mais c’est pas sombre pour être sombre, le son est lourd, enveloppant, et au milieu il y a une lumière… Si on veut de la lumière faut que ce soit sombre aussi ! (rires) On a joué là-dessus et on y est venu naturellement de par nos influences, celles qu’on a tous en commun.
Tu parles beaucoup du studio, c’est vrai que c’est forcément important pour vous, car vous êtes de villes différentes : dès que vous vous voyez c’est pour du studio finalement ?
C’est très cyclique en fait ! On a le côté public avec des dates, une sortie de disque où on partage un max de choses avec ceux qui nous suivent, et en même temps et c’est là que ça devient dur, il faut absolument qu’on remette le pied à l’étrier sur la compo ! Quand on se voit non on ne se voit pas pour une journée, c’est 3, 4 jours…
Des mini résidences quoi !
On fait que ça, des mini résidences en fait ! On peut pas vraiment bosser autrement… Si en mini groupe : à 2, je vais aller chez Hervé on va écrire des paroles composer une ligne de chant… Mais l’essentiel du travail se passe à 5, même à 6 parce qu’on a toujours notre ingé son qui est là, pour le son et aussi pour organiser, c’est un peu le papa, Louis en l’occurrence ! Il organise les arrivées, les départs, les courses (rires). Un peu notre régie ! Y’a aussi Hannane qui travaillait chez Shabaz en prod’ et booking qui s’occupe du côté obscur de Budapest.
Le côté obscur de la musique sombre (rires)
Le côté obscur de la musique sombre (rires) c’est-à-dire les contrats, les co-prod, le booking, pas mal de relationnel, de dif… De la com’ quoi !
En parlant de com’ tiens, pourquoi Alcaline ? Et pourquoi Budapest d’ailleurs ?
Ça, c’est compliqué… Budapest ? Je crois que c’est un nom de groupe qu’on comprend quand on écoute la musique… A priori quand on voit un flyer avec écrit Budapest… On s’est retrouvé à faire des dates où les mecs mettaient musique de l’Est (rires) Après, dans Budapest, je sais pas la sonorité du mot est assez lourde, moi j’ai l’impression que c’est du beat box ! Y’a un côté comme ça dans la sonorité ! Après dans la couleur du mot, quand je vois Budapest je vois plutôt un truc assez sombre… Je vois pas un truc jaune, je vois un bleu foncé tu vois ! Ça correspond bien avec la musique qu’on a… Après c’est tout simplement l’évocation du voyage ! Le dépaysement…
Et pour Alcaline, c’est le titre du morceau qu’on n’a finalement pas mis dans l’album en fait ! Quand on s’est dit comment on va appeler ce disque, je me suis dit « vu qu’on ne mets pas le morceau Alcaline sur l’album, on a qu’à appeler l’album comme ça en hommage au morceau ! ” Après y’a une notion d’énergie, corrosive, et puis ça sonne ! Ça m’évoque plein de choses différentes, c’est juste une porte ouverte…
Avec Budapest on pense donc à la Hongrie, mais c’est plutôt l’Angleterre qui s’ouvre à vous !
Vous partez demain d’ailleurs… Quand on a des influences comme Massive Attacks, Bowie et Radiohead, jouer là-bas c’est quoi, c’est un rêve, un objectif, un kiff ?
Je dirais les 3 ! C’est aussi compliqué du coup ! Après on joue pas à Bristol (rires) C’est comme faire du reggae à Kingston, faut s’accrocher ! Donc pas de trip hop à Bristol, mais ouais la date à Londres on se dit wouaaaah va falloir envoyer du lourd !
Mais comment elle s’est faite cette tournée ?
En fait on s’est ajouté à une tournée existante d’un groupe dont on a un pote commun donc ça a été super simple ! (rires) Fallait juste saisir l’occasion ! Londres, Coventry, Manchester, va falloir assurer ! On est hyper influencé par la musique anglo-saxonne c’est évident, donc c’est le kiff !
En parlant d’occasion, la première partie d’Izia, au Trianon c’est votre grosse date ?
Pour l’instant ouais ça reste une date mythique ! Déjà c’est le Trianon, on sait même pas comment on a fini là-bas !
Vous aviez un pote en commun avec Izia ? (rires)
Non (rires) on a fait l’after d’un concert d’Izia à Onet-le-Chateau en Aveyron… Et elle a kiffé ! Elle était en backstage et nous regardait jouer, et elle avait pas de première partie genre trois jours après au Trianon pour la fin de sa tournée. Elle a dit à son booker « laisse tomber c’est eux que je veux » et vu que c’est une princesse, ça s’est fait ! (rires) On s’est retrouvé là-bas avec des conditions qu’on avait pas anticipées : c’était en acoustique, piano guitare deux voix… Première fois à Paris, deuxième hors de la Région… En fait ça s’est très bien passé ! On a alors rencontré nos morceaux sous l’angle folk, et on n’avait jamais bossé ça !
Faut dire que du trip hop acoustique c’est rare !
Ouais voilà (rires) Et on a vu que nos morceaux trip-hop étaient aussi des chansons ! La légende dit qu’une chanson est bonne si tu peux l’adapter !
Tu me fais penser à des covers acoustiques qu’on entend de Rihanna ou autre et on se rend compte que c’est hyper bien composé en fait !
Oui ! La surproduction détériore tout, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de morceaux… C’est d’ailleurs des questions qu’on s’est posé sur Alcaline: soit un truc organique qui parait naturel, soit on surproduit les trucs ?
C’est là où l’ingé-son a été important pour trancher ?
Exactement ! Parce que sinon tu peux surproduire, ça peut être très bien comme complètement incohérent sur l’ensemble d’un disque. Tu peux te retrouver avec un album sans liens, passer par le filtre d’une personne extérieure a permis d’avoir un truc global. Donc bref… on s’est retrouvé en acoustique au Trianon. C’est marrant de parler de Rihanna car elle y était, je crois 2 mois avant nous (rires). On hallucinait un peu, mais super expérience, car on s’est mis en difficulté et c’est hyper formateur ! Et on a fait d’autres concerts acoustiques depuis. C’est la deuxième formule et ça nous a fait vachement de bien, ça nous a recentrés sur la source: le morceau il est comme ça : « gling gling gling padalaaala »… terminé ! On peut faire ça en showcase, c’est pas accessible de la même manière, mais on kiffe ! Les versions unplugged des groupes qui font du son assez fort ça marche !
En juin vous étiez sur la compil’ Toulouse Sounds, impulsée par Silidarsen et Undergang: comment ça s’est dessiné et tu sais si on aura une deuxième version en 2015 ?
Bah écoute je sais pas ! J’en ai pas entendu parler… C’est en tout cas hyper généreux, c’est rendre la musique accessible… Je trouve ça tellement simple et généreux c’est dingue que personne ne l’ai fait avant (rires) Je trouve ça génial ! Je connaissais la plupart des groupes en tout cas. Je vais chez Cédric alias Undergang juste après d’ailleurs (rires) je sais pas trop si ça a bien marché je vais lui demander ce soir ! En tout cas l’idée, fêter la musique avec un disque à télécharger, c’est tellement évident !
Vous aviez donc choisi un morceau pour cette compil’, mais quelle est TA compo préférée de Budapest, celle qu’il te tarde de jouer sur scène ?
J’ai du mal à y répondre… Y’a à la limite des morceaux sur lesquels j’ai plus d’anxiété, mais mon préféré ? Y’a quand même un morceau qui est extrêmement fédérateur pour les membres du groupe, mais c’est pas forcément la réponse à ta question (rires) c’est Fall By The Wayside.
Un vrai rock de stade ce morceau ! Il résume parfaitement Budapest je trouve, comme tu disais un son sombre et la lumière qui arrive avec le refrain qui éclate !
Mais oui ! C’est pas forcément le plus kiffant à jouer sur scène, t’as pas plein de trucs, mais quand tu remontes dans ton bus ou que tu vas en backstage il reste !
Même quand t’es spectateur, il reste !
L’émotion reste ouais ! Ce morceau déchire (rires) Après pourquoi, comment je sais pas… Au départ ça devait être le single du disque…
Vos concerts d’ailleurs sont très visuels : quand tu joues des percussions, les peintures de Gaëlle…
En Angleterre on va faire de la petite scène: 4 mètres de large, ça va nous faire du bien ! On était chez Lulu la nantaise à Montauban y’a 2, 3 semaines, on était à hauteur du public, au sol, et on adore ça ! On adore les petites salles. On fait pas une musique festive, du coup le fait d’être avec les gens ça transmet les énergies plus directement que sur les grosses scènes et les festivals où tu as une certaine distance et c’est assez perturbant pour nous, le public est assez inerte, c’est un public qui écoute, beaucoup de gens ont les yeux fermés donc c’est difficile pour nous de communiquer avec des gens qui ont les yeux fermés ! C’est une musique interne ouais, ça c’est sûr ! Et pour en venir à la mise en scène, le but c’est d’externaliser ! Après c’est pas forcément travaillé !
C’est un hasard du coup que la pochette de l’album ce soit Gaëlle et ses peintures ?
Bah ouais (rires) la photo a été prise en backstage à la Halle au Grain par Cédric d’Undergang 5 minutes avant de monter sur scène, complètement par hasard… La scène est pas plus travaillée que ça finalement. Y’a un minimum, mais pas forcément de mise en scène non ! C’est assez naturel quoi !
T’es aussi à la tête d’un nouveau projet : FitzgeraldZ
C’est un side project comme on dit, orienté plus vers une musique électro assez dansante. Un duo, pas l’opposée de Budapest, mais un équilibre dans le sens où c’est léger en matériel. Essentiellement des samples et des effets que je lance en direct, qu’on produit en ce moment. Un projet beaucoup plus « dance »… Moi je suis né en 80, « dance » ça m’évoque toute la merde des années 90 (rires). On a un côté dansant, physique… On essaye d’allier des rythmiques qui font bouger et des mélodies qui amènent de la poésie, ce qui manquait dans les années 90 justement, y’avait pas de poésie (rires) c’était juste du refrain pop débile. Naima amène vachement d’humanité donc moi en contrepoids j’amène l’inverse, le côté mécanique, froid, précis, on est en train de voir si je vais chanter aussi …
Tu travailles qu’avec des femmes en fait !
(rires) C’est nouveau ! Qu’avec des Africaines surtout ouais ! En tout cas y’a un gros parallèle avec Bud… Ouais FitzgeraldZ on va avoir des clips, un petit EP qui arrive en janvier. De la musique simple, directe, efficace avec un beat et une prod’ précise.
On en vient aux questions rituelles : avec qui tu jouerais dans un festival idéal ?
Je joue avec mes deux groupes, même pas je choisis ! Idéalement gros concert de Budapest et un after FitzgeraldZ derrière (rires) Festival idéal ? Alors on est aux Arènes de Nîmes avec Portishead… Après y’en a tellement ! Par exemple ce qui m’intéresserait moi (rires) c’est si vous deviez faire la première partie d’un artiste lequel ça serait ? Et là je kifferais Atom For Peace par exemple, Radiohead ça dépend de leur actu on va passer à Oxford demander à Tom Yorke (rires). Massive Attack c’est tellement proche que ça m’intéresse moins… Après on ne veut pas s’enfermer dans un style: notre public est très varié. En terme d’âge, on a des nanas de 16 ans et des mecs de 60 ans qui viennent nous voir. Déjà intragénérationnel qui nous fait dire que la musique est universelle, en tout cas celle qu’on joue. Et après en terme de style on a des gens qui écoute du reggae et du dub qui adorent, car on a des grosses basses, des gens qui écoutent du rock beaucoup plus incisif limite métal qui aiment bien, car effectivement on a des appuis rythmiques, des gens qui écoutent de la pop car y’a des refrains… Enfin on arrive à toucher des gens différents et on est assez fiers de ça, c’est le leitmotiv qu’on a dans la tête quand on fait les nouveaux morceaux: soyons libre de faire ce qu’on a envie, mais n’oublions pas que notre public est hyper varié et on ne doit pas s’enfermer dans un truc plus qu’un autre, faut être le plus ouvert possible dans l’écriture… Donc les groupes ? Je sais pas, donc ouais Radiohead, Portishead, Massive Attack, Archive, forcément, car c’est les fondements, mais après t’as plein plein de groupes ! Je sais pas, Grizzly Bear, Brad Mehldau qui est passé à la Halle aux Grains qui fait du jazz ça serait génial ! Arto lindsay, un américain qui vit au Brésil et fait une musique fondamentale pour nous on a un vrai repaire avec ce mec là.
Et pour finir, tes 2 3 groupes que t’aimerais nous faire découvrir ?
En local je pense de suite à Alpaga, ils font une musique que je trouve touchante et qui est personnelle donc ils méritent d’être diffusés ! Après si on voit plus large ? Je sais pas, écoutez tous les Pink Floyd et les Beatles et on en reparle !
Merci à toi et bonne route les Budapest !
Rémy