Scarecrow : « faire du blues hip hop, c’est prendre deux styles musicaux qui sont morts… »

Avant leur concert du 13 novembre au Métronum, on a pu échanger avec Slim Paul et Antibiotik, les deux voix de Scarecrow. L’opportunité pour nous d’aborder leur retour à Toulouse, leurs projets d’enregistrements, leurs expériences de tournée et surtout de faire notre première session acoustique, à regarder et écouter à la fin de l’article…

Bonjour les Scarecrow, vous êtes de retour à Toulouse, on imagine que c’est une émotion particulière ?

Slim Paul : Ouais, ça fait plaisir ! Le dernier concert c’était au Bikini, c’était le premier de la tournée, c’était un concert qui suivait la résidence du concert actuel. Là on a 80 concerts dans les pattes, ça fait plaisir de revenir dans une nouvelle salle. C’est notre première fois au Métronum, la jauge est plus grande que le concert à La Dynamo l’année dernière donc on monte un peu la barre. On est chaud, car le live est maitrisé et je pense que les Toulousains l’attendaient un peu.

Ce qui est marquant dans votre son, c’est qu’il est à la fois moderne et enraciné dans les années 30 avec cette touche bluesy, c’est une recherche constante ce parallèle entre le moderne et l’ancien ?

Antibiotik : Ouais au niveau sonore c’est une recherche constante, arriver à trouver cet équilibre parce qu’on se dit que ce qui a été fait à l’époque dans les années 30, au fond c’était du bricolage, mais qu’aujourd’hui les nouveaux matériels d’enregistrement, les nouvelles façons de travailler c’est finalement aussi juste un bricolage un peu plus moderne. On essaye d’allier ces deux côtés : le côté très vintage, très analogique, avec le côté numérique qu’on peut avoir aujourd’hui et avec la facilité avec laquelle on peut produire de la musique aujourd’hui. Avec un ordi et un pauvre micro acheté 100 € tu peux produire de la musique sans aucun problème ! On essaye d’allier ces choses-là autant dans la façon de produire la musique, c’est-à-dire en studio, que dans la façon de composer, car on part toujours, à 98% du temps on part d’une ligne de guitare ou de dobro, et après par dessus on travaille la batterie, la basse, les samples, du texte… On essaye toujours de garder cette base analogique, vintage, humaine en fait juste de l’humain qui crée un son, c’est ce qu’on essaye de faire ! Après ouais c’est une recherche constante, on n’a jamais atteint ou touché du doigt ce qu’on voulait vraiment entendre et je pense qu’on ne le touchera jamais, qu’on aura toujours envie d’aller plus loin, de rechercher encore autre chose. « Tiens y’a pas assez de chaleur, pas assez d’esprit blues ou trop de hip hop, peut-être pas assez ». C’est toujours, comment dire, comme la cuisine : un soir tu vas faire un plat exceptionnel et le lendemain tu veux le faire au moins aussi bon et ainsi de suite, c’est une recherche permanente. Le jour où t’arrêtes, enfin quand tu te dis que t’as tout fait, t’arrêtes la musique et tu passes à autre chose !

Scarecrow c’est aussi un mélange de genres, à l’image d’autres projets comme Blakroc qui mélange rock et rap ou en local le KKC Orchestra qui mélange l’électro et le swing, vous le blues hip hop : vous êtes les seuls dans ce mélange-là où vous connaissez d’autres références ?

Slim Paul : J’ai ouï-dire ouais qu’il y avait d’autres groupes ! Mais à la différence du KKC, qui sont des copains, eux ils ont pris un vieux style et ils ont mis un truc très récent. Le fait de faire du blues hip hop, c’est prendre deux styles qui sont morts… Entre guillemets, car le hip hop tel qu’on le fait il n’est plus écouté il n’est même plus fait par même nos papas, je pense aux groupes des années 1990 qui ont fait notre culture musicale, ils ne font plus ce hip hop là ! Donc pour moi le concept du groupe est fait sur deux cultures qui sont mortes entre guillemets.

C’est marrant de parler de musiques mortes alors que vous êtes référencés en musiques actuelles !

Slim Paul : Exactement (rires).

Antibiotik : C’est un peu dépoussiérer ces musiques-là qui si on faisait du blues hip hop actuel ça serait très différent en terme de sonorités, ça serait plus électronique. Alors qu’on s’attache quand même à avoir un gros côté acoustique, avoir un côté buff car on s’est rencontrés comme ça, pendant des buffs ! C’est vraiment cette chaleur qui nous intéresse, “chaleuuuur dans ton corps” (rires).

Tu parlais tout à l’heure de 80 concerts cette année c’était également le cas la toute première année…

Antibiotik : Ouais en moyenne c’est ça 80 dates par an.

Slim Paul : C’est surtout la qualité des concerts qui change en fait ! On a fait beaucoup de live quand on a commencé, on est vraiment la vraie évolution d’un petit groupe, qui fait plein de dates un peu dures en conditions …

Antibiotik: Partir à deux voitures, avec une vieille 106 (rires)

Slim Paul : Voilà à partir dans des bars, des cafés, des petites scènes hippies du fin fond de l’Ariège. On les aime beaucoup hein, mais il faut le faire ! (rires)

Antibiotik : C’est ultra formateur !

Slim Paul : On a pu rencontrer des jeunes groupes, sur la route, des mecs entre 18 et 21 ans qui n’ont pas connu ça, et ça se sent direct ! Dans leur attitude, leur manière de prendre la scène, de prendre le public.

On veut des noms !

Slim Paul: Tu n’auras paaaas de noms ! (rires )

Antibiotik : Et puis même aussi au niveau du comportement, on a bossé avant de faire que de la musique, ça nous est un peu tombé sur le coin de la tronche sans qu’on le voie venir ! Moi j’étais encore serveur quand on s’est rencontrés et c’est au moment où on a commencé qu’on s’est dit « wow là y’a quelque chose à faire, s’il faut y aller c’est maintenant ! » Et du coup, passer par toutes ces étapes-là, d’année (s) en année (s), de faire grossir les festivals(* pas compris la phrase là), de jouer au début surtout aux alentours de Toulouse puis après un petit peu plus, puis la France, puis l’Europe, là on commence l’international : ça permet déjà de garder sa fraîcheur, t’évolues tranquillement t’es pas d’un coup la super star, truc insupportable et puis comment tu veux garder les pieds sur terre ? C’est pas possible ! Donc ça nous a permis de rester tranquille, de savoir pourquoi t’es là, ce que tu fais, comment tu veux le faire, ce que t’as envie de donner aux gens et développer petit à petit ta musique, et pas ta carrière, car une carrière je sais pas si on en aura une vraiment un jour. Mais c’est avant tout d’arriver à faire évoluer le projet tranquillement, naturellement… 80 dates par an c’est déjà beaucoup !

On parle plus de vous sur scène qu’en studio, mais est-ce qu’il y a un album en préparation, peut-être déjà en écriture ?

1622878_239066602883958_1906962764_nSlim Paul : On est toujours un peu en écriture en fait. Ce qui est marrant c’est qu’on n’a jamais vraiment suivi le parcours classique, c’est à dire de faire un album et puis après on le défend sur scène. On a toujours un peu de retard, car on a commencé sur scène. Du coup quand on a sorti l’album, le premier EP « This Is Blues Hip Hop » , il était en pleine tournée ! On prend le temps pour faire un album après on fait la promo de l’album, après on fait la tournée de l’album, puis après on s’arrête et on fait un nouvel album… Toujours un peu décalé ! On est toujours en train d’écrire, là on est sur un nouveau maxi qui va sortir… bientôt ! On ne sait pas.

Antibiotik: Ouais début d’année quoi !

Slim Paul : On se presse pas, on veut faire de la qualité on veut que les morceaux nous plaisent avant tout

Antbiotik : On peut pas trop donner de dates en général parce qu’on essaye de pas se presser. À la base le maxi on voulait le sortir pour aujourd’hui au Métronum, mais pffff ça nous plaisait pas, il manquait des trucs, on n’était pas satisfaits !

Slim Paul : Et puis y’a personne qui nous presse derrière à dire « les gaaaaars on a besoin d’un nouvel album là !

Et le public il vous presse pas ?

Slim Paul : Siiiii mais bien sûr t’en as certains qui nous disent “hey les gars le prochain vinyle c’est quand ?

Antibiotik : Après ils comprennent que déjà on joue beaucoup donc ça a l’air de rien, mais comme on joue beaucoup ce qui nous rémunère au quotidien c’est la scène ! C’est pas de vendre 12 millions d’albums… Et je ne pense pas que pour nous ce soit un objectif ! Du coup ça nous permet d’être tranquille sur les enregistrements, de pouvoir prendre du recul, genre là y’a un morceau qu’on a enregistré ça doit faire 6 mois qu’il est dans la boîte et on y repasse de temps en temps pour faire évoluer le truc jusqu’à ce que ce soit à notre idée et à notre goût ! Donc oui un maxi va sortir très vite, mais très vite ça peut être deux mois comme quatre ! Le prochain album c’est pareil, si tout se passe bien on va entrer en studio en avril, mais pareil l’album au début on se disait “ouais s’il sort en octobre c’est bien l’automne” mais en fait on se dit que si il sort en 2016 c’est bien ! On a le temps de travailler, de se poser, faire 30, 40, 60 morceaux je sais pas et après tu sélectionnes. On a envie de travailler à l’ancienne quoi plutôtque d’être speedé !

Slim Paul : On n’a jamais pris le temps en fait, on a toujours été speedé. Sur le dernier album “Devil and Crossroad” de 2013 si je ne m’abuse, on a pris un peu le temps, mais y’a toujours des choses à faire autour, on ne s’est jamais vraiment enfermés dans un studio en se disant “hé ho deux secondes là, on fait une pause les tournées les machins et on se recentre” ; Ça on ne l’a jamais fait et je pense que ça va changer pas mal de choses.

Comment vous décrivez votre public, car il doit y avoir des aficionados de blues des inconditionnels du hip hop, comment ça se mélange ?

Slim Paul : Je pense que de plus en plus on a le public de Scarecrow et ça, ça me fait plaisir ! Y’a beaucoup de jeunes, en général devant

Antibiotik : Et derrière leurs parents !

Slim Paul : Les grands-pères qui viennent te voir au merchandasing… Là dernière fois c’est l’inverse un gamin qui vient me voir et me dit “C’est mon grand-père qui m’a fait découvrir Scarecrow !” Excellent !

Antibiotik : Y’a pas de tranches d’âges et c’est super gratifiant ! Quand t’es rappeur, qu’un mec de 50/60 piges vient te voir et te dis “Putain je déteste le hip hop ça m’intéresse pas, mais ça m’a donné envie d’écouter quelques morceaux” T’es là “Mec j’ai gagné ma soirée quoi

Vous êtes totalement indé ou y’a des structures derrière vous ?

Slim Paul : On est indépendants sur la production musicale. Sur la tournée on travaille avec Juanito, notre tourneur qui nous suit depuis le début et Klakson, une asso toulousaine. Et sur la production des albums on a la chance d’avoir pas mal de compétences dans le groupe, Antibiotik et Damien qui est au son, tu les mets tous les deux dans une pièce avec des micros et des trucs ils vont se régaler (rires). Même pour les visuels on a des copains, on fait du travail en famille en fait !

Pour aller encore plus loin, Antibiotik tu t’es aussi mis à la réalisation de vos derniers clips : ce travail là était déjà là avant, ou c’est venu petit à petit et de manière très logique, car vous avez votre propre univers ?

Antibiotik : Disons que j’avais vraiment pas l’envie de faire de vidéo : je fais déjà de l’infographie, des sites, le son en plus c’est bon ça va (rires). Et de fil en aiguille, en fait on travaille avec Sales Gosses Productions en Co-prod sur les clips, dont Hélène Roux qui est la présidente de Sales Gosses. Et c’est une très bonne amie à moi et notre ingé son, et elle m’a un peu chauffé quoi genre “tu ferais des supers réalisations” blablabla… Et bon au bout d’un moment, vous connaissez les femmes elles vous font dire oui donc “C’est bon lâche moi je vais le faire ton putain de clip lâche moi” (rires) J’en suis venu à la vidéo, car à la base je montais quelques lives qu’on avait comme celui place du Capitole voilà j’avais les rushs donc j’ai fait les montages. Mais je suis en total apprentissage sur cet univers graphique là, je sais pas si je vais vraiment perdurer là dedans, même si plus ça va plus ça m’intéresse, mais un de ces quatre faudra que je fasse des choix, je vais pas pouvoir tout faire, ça prend beaucoup de temps ! Après je suis très content, car on a eu des super bons retours surtout sur The Well. Lonely Hope Blues est plus un exercice de style, mais The Well je suis super content du résultat !

Slim Paul : Moi je l’aime bien Lonely Hope Blues !

Antibiotik : C’est un peu mon bébé j’y ai passé du temps (rires). Bref là va y avoir les prochains clips qu’on prépare avec la sortie du maxi, et j’espère que ça sera du lourd ! En tout cas si on arrive à faire ce qu’on est en train d’imaginer ça peut être très très lourd !

En parlant de vidéo, vous avez récemment tourné pour Toulouse IS Beautiful, sur le toit du Capitole entre autres, c’est le summum pour des Toulousains ?

Tout l’Opéra du Capitole ouais ! C’était une bonne journée de travail, mais c’est vrai que c’était intéressant de voir les coulisses d’un bâtiment qui a son histoire quoi ! C’est emblématique de Toulouse ça c’est sûr !

On en vient aux questions rituelles : sur un festival idéal, avec qui vous partagez l’affiche ?

Antibiotik : Ray Charles et Jimi Hendrix ! (rires) Putain ça défonce !

Slim Paul : Ouaiiiiiis Ray Charles et Rage Against The Machine !

Antibiotik : Haaaa ouais très bon Rage Against The Machine !

Slim Paul: Même si je suis le plus grand fan de Jimi Hendrix qu’il peut y avoir sur scène hein, mais je le prends plutôt à la maison pour faire un buff !

Et pour finir, vous auriez quelques groupes à nous faire découvrir ?

Antibiotik : Delta Saints ! T’as vu comment je t’ai tué là (rires)

Slim Paul : Delta Saints ouais, Mo’Kalamity & the Wizards : groupe de reggae qui défonce ! On a vu pas mal de groupes de reggae, mais là on a un VRAI groupe ! Et venez voir Billy Hornett aussi ce soir.

Antibiotik : Ouais Billy Hornett c’est de la tuerie c’est vraiment des copains en plus ça fait plaisir de partager la scène avec eux !

On voulait finir par ça, mais j’ai même pas besoin de le dire ! Merci Scarecrow et à tout à l’heure sur la scène du Métronum !

Rémy

Créateur d’Opus, Rémy est à la fois rédacteur et photographe dans notre media. Un mélomane qui écoute aussi bien du rock que du rap ou de la pop, et qui aime fouiller la scène locale.
C’est également lui qui gère le projet Focus d'Opus