Interview Tim Dup : “Entre l’écriture et la chanson, il y a quelque chose de commun, le rythme, la puissance des mots…”

L’univers de Tim Dup, c’est un joyeux mélange d’hymnes à la douceur, d’odes à la mélancolie heureuse, mais dansante, et de la poésie pop que l’on imagine aisément chantée sur un vieux piano au fond du bar. C’est aussi une exquise sens du mot, un phrasé unique et fluide qu’on retrouve depuis peu dans son premier livre, Je suis fait de leur absence, qu’il dédicacera à Gibert Joseph le 19 janvier 2024. Quant à sa voix cristalline, sa science du rythme, ses paroles emplis d’échos de Méditerranée et de RER B qui l’ont fait connaître… Elles seront à retrouver au Théâtre des Mazades, le 20 janvier, pour un concert caritatif organisé par Humanitaire Mboro. 

© Diane Sagnier

Bonjour Tim, merci de m’accorder de votre temps. Comment ça va et comment se passe votre actualité ? 

Merci à vous ! Tout se passe bien, y a du monde et, surtout, j’ai l’impression que ma formule sur scène se révèle. Le piano-voix met les chansons en valeur, comme en apesanteur. Je fais quelque chose d’assez dépouillé. Ça met le texte en lumière et crée un rapport tout en spontanéité et sans filtre entre artiste et public. C’est un moment intimiste, pas grandiloquent, et avec peu d’artifice. J’aime bien cette idée de tournée qui clôture un certain cycle de créations et de sorties d’album. Je veux faire autre chose.

Quel est le programme maintenant ?

Ces derniers temps, j’ai pu vivre une vraie bulle de création et de moments suspendus. C’était l’occasion de se poser, de donner du temps et de l’énergie à d’autres choses, de prendre la place pour créer quelque chose de lent et nuancé… en découle l’écriture de mon premier roman. 

Donc, la musique, c’est fini… Temporairement ? 

Il y aura d’autres disques. Mais je trouve ça intéressant de savoir s’absenter, se taire quand on n’a plus rien à dire et ne pas se dégoûter d’un métier assez beau et exceptionnel. Il faut prévoir sa vie et l’envie de créer. On ne dépend que de notre bonne sève à exprimer des choses, donc il faut en vivre ! Je veux pouvoir sortir de la course effrénée des sorties, des albums, des tournées… et prendre de la distance pour revivre et re-infuser les idées.

C’est la fin d’un cycle finalement, après une trilogie d’albums enchaînés, mais pour aller vers quoi ? 

C’est essorant d’être sur la route, toujours en trajets. Je remarque qu’après huit ans, les aspirations diffèrent. J’ai envie de présenter les choses autrement, d’être plus raccord avec les phases de vie. On ne peut pas tourner pendant 10 ans comme quand on avait 20 ans, quand on était sans attache ni pression. Même si c’était magique de découvrir ce métier, j’ai besoin de pause et de temps qui s’étire pour retrouver le désir de la scène. Maintenant, j’aimerais bien changer de fusil d’épaule et tendre vers une économie différente. Par exemple, écrire et composer pour les autres, faire de la musique de film, griffonner des romans… Bref ne pas dépendre d’une actualité et d’une présence à l’image, mais revenir à un quotidien assez normal pour donner de la place à la vie privée comme tout le monde, avoir sa routine, ses horaires, ses week-ends… 

D’ailleurs, qu’est-ce qui vous a amené à l’écriture ? 

Je me suis posé dans des petits cocons d’écriture un peu partout au gré des voyages, en Grèce, à la Rochelle, dans le sud de la France, pour trouver une vraie forme de solitude dans le travail. Est venue l’histoire d’un jeune homme de 20 ans, en pleine construction et déconstruction de lui-même. À l’âge de tous les possibles, c’est inouï tous les horizons vers lesquelles aller. Cela raconte un été en Normandie, entre péripéties de la classe moyenne et rencontres amoureuses. C’est l’histoire d’une jeunesse un peu défoncée, avec un drame intrafamilial qui sous-tend le récit et va l’amener à se questionner durant cet été.

Je ne suis pas nostalgique, mais mélancolique ! 

Quel rapport avez-vous à la plume ?

Entre l’écriture et la chanson, il y a quelque chose de commun, le rythme, la puissance des mots… Mais les récits prolongent et donnent une liberté totale. Je me suis pris de passion pour ce medium d’écriture génial. On peut aller partout, faire vivre les personnages comme on l’entend et aller au bout de tout ! Il y a de la place pour la nuance, pour la complexité… C’est un temps de création inouï parce que tout se pose. La musique, c’est fiévreux, ça ne s’arrête jamais. Là, a contrario, je me pose devant mon ordi, j’écris, tout s’arrête. C’était précieux, des moments de grandes pauses au milieu de la frénésie.

Je posais la question parce-qu’il y a toujours un rapport au mot dans votre art. Qu’est-ce qui vous importe le plus dans votre travail ?

C’est de créer quelque chose en pure adéquation avec qui je suis et de parvenir à l’être de plus en plus… J’aimerais ne pas faire de concession artistique, être en accord avec ce que je souhaite faire et les phases de ma vie, pouvoir m’écouter, m’absenter et rester cohérent. C’est important. Je déteste l’art par posture. J’apprécie la beauté de la transmission d’une forme d’authenticité.

À ce titre, je vous vois comme un artiste complet, sensible, solaire, éveillé, avec une connaissance des mots incroyable et une énergie mi-pop mi-nostalgique. C’est ma définition de vous. Du coup, deux questions : Déjà, est-ce qu’elle vous semble juste ? Et, ensuite, quelle est la vôtre, qu’est-ce qui fait Tim Dup ? 

Elle me parait correcte ! J’aime bien l’idée d’un artiste “éveillé” dans le sens où j’essaye de m’éveiller à plein de choses. La curiosité est importante pour moi. On ressent cet éclectisme d’écoute de disque en disque. Les influences évoluent un peu. Il y a du hip-hop, du piano, souvent de la musique à image, presque cinématographique, avec beaucoup d’ambiances différentes, d’espaces d’écoutes pour l’auditeur… J’aime bien l’idée de la subtilité. Par contre, je ne suis pas nostalgique, mais mélancolique !  Elle se joue au présent, la nostalgie au passé, la mélancolie, c’est une appréciation, une lenteur, le quotidien, regarder la langueur et y trouver une forme de magie… Je ne suis pas vraiment touché par les choses grandiloquentes, la frénésie des réseaux sociaux, tout ce qui est sans nuance… 

Pourtant, sans les réseaux sociaux, difficile d’entendre parler de vos concerts. Notamment à Toulouse. J’ai raté celui de l’an dernier parce que je n’en avais pas entendu parler ! 

C’est vrai qu’à Toulouse, c’est souvent avec des cadres particuliers, un peu hors les murs, ça passe sous les radars ! Les derniers concerts étaient caritatifs, il y a une dimension un peu supérieure quand je viens ici ! En prenant des places, les gens participent à une œuvre humanitaire au Sénégal. Artistiquement, c’est une forme d’engagement, les gens n’ont pas forcément envie qu’on donne notre avis, on ne doit pas tomber dans le militantisme… En revanche, on a quand même une forme d’écho. Je trouve intéressant de s’en emparer et de ne pas se censurer si on veut en parler. C’est toujours sympa de relier un concert et une bonne cause.

Que nous réservez-vous au théâtre des Mazades ?

Ce sera piano-voix à 100%. J’interpréterai un mélange de mes quatre disques dans un rapport très simple avec les gens. Il y aura une création lumière à la fois très belle et minimale pour mettre en valeur les tableaux, quelques passages de lectures musicales, des intermèdes de discussion… 

@Diane Sagnier

Parler d’écologie dans mes chansons, faire des concerts caritatifs… c’est faire ce que l’on peut sans attendre de couronne.

J’ai lu que vous n’aimez pas être qualifié d’artiste engagé. Pourtant, vous participez à des causes LGBT, à la sensibilisation au droit des femmes, à des concerts humanitaires Qu’est-ce qui vous anime, quels sont exactement vos combats ?

Je m’en fiche qu’on dise que je suis engagé ! C’est une notion un peu galvaudée, tout le monde se dit engagé et personne ne l’est vraiment. C’est facile de l’être sur les réseaux sociaux, de faire des stories tous les deux jours sur des thématiques d’actualité… En fait, je relativise. Je me considère peu engagé quand je vois mes amis qui s’investissent et passent un temps fou dans les asso’… Je m’engage à ma mesure, mais je me sens surtout concerné. 

Ce que je n’aime pas, c’est cette notion de posture, d’image, de montrer qu’il faut l’être. Ce que j’apprécie, c’est m’engager concrètement. Même si ce n’est pas grand-chose, cela contribue tout de même au paysage actuel de notre humanité. Je considère que parler d’écologie dans mes chansons, faire des concerts caritatifs… c’est faire ce que l’on peut sans attendre de couronne.

Il y a plein de sujets dont il faut s’emparer. L’urgence climatique, par exemple. C’est très prégnant générationnellement. C’est la première fois qu’il y a devant nous un mur qui se dresse, presqu’en rapport avec une certaine forme de finitude. Il faut le conscientiser, et il n’y a que les jeunes générations qui arrivent à s’en emparer avec justesse et intelligence… Le problème, c’est qu’on est dans un système dans lequel ceux au pouvoir ont été éduqués dans les années 80 et ont une vieille façon de penser… Heureusement, il y a une mentalité qui est en train de changer.

Il y a aussi les violences faites aux femmes, l’égalité des sexes, des genres… Ça me parle. Dans mon roman, il y a cette idée des violences intrafamiliales, même si ça ne porte pas uniquement là-dessus. Dans ces déséquilibres se jouent des choses. Entre les sexes, c’est flagrant sur des gros sujets, mais aussi dans des sujets plus intimes ou plus minces au quotidien. Il y a quelque chose à déconstruire, et je trouve ça assez chouette, de faire partie de cette époque-là. Certes, il y a une forme de radicalité qui peut être trop présenté, une absence de nuance qui a tendance à me gêner, mais ça peut sans doute aider à poser des bases.

Par contre, je ne fais pas de hiérarchie des combats, il y en a pour tout le monde ! J’aime le tissu associatif, sans les associations… Je ne sais pas où en serait. 


Tim Dup est à retrouver à Gilbert Joseph pour dédicacer son livre et le lendemain au Théâtre des Mazades pour un concert caritatif.

@Diane Sagnier

Interview réalisée par Adrien Pateau

Le webzine musical toulousain