Interview Words of Sara : “Les poèmes de Sara Teasdale ce sont imposés à moi de façon très naturelle, presque magique…”
Words of Sara est l’un des 3 projets accompagnés par le Focus d’Opus 2024, avec Ciel Ether et terestesa. Rencontre avec Marina, chanteuse et guitariste qu’Opus écoute depuis de nombreuses années dans un autre groupe, qui nous explique l’originalité de ce projet folk de mise en musique de poèmes…
Bonjour Marina ! On t’a découvert avec MAN and the Maniacs. On te retrouve avec une autre couleur pour Words of Sara. Est-ce que tu considères ces 2 projets comme complémentaires ?
Salut ! C’est tout à fait ça, M.A.N AND THE MANIACS c’est le feu, Words Of Sara l’eau calme… J’ai vraiment ces deux personnalités en moi, un côté doux, introspectif et je « switch » en mode furie folle.
Words of Sara est un projet assez unique où tu mets en musique des poèmes avec lesquelles une de tes ancêtres correspondait avec un amant Comment as-tu découvert cette histoire ?
Mon arrière-grand-mère américaine, Dorothy, avait rencontré un jeune homme vers ses 20 ans, Donald. Il était fiancé donc ils n’ont jamais pu vivre ensemble, et mon arrière-grand-mère s’est mariée de son côté. Mais ils ont continué de communiquer sporadiquement et de s’aimer toute leur vie, notamment à travers le livre de poèmes de Sara Teasdale, que Donald avait discrètement annoté au crayon…
“Sara Teasdale disait que ses poèmes étaient des « songs » et il y a une vraie rythmique et musicalité dans sa prose”
Est-ce que pour une artiste comme toi, chanteuse et parolière, ça a été difficile au début d’imaginer chanter des mots de quelqu’un d’autre ?
Au contraire c’était libérateur, et les poèmes de Sara Teasdale se sont imposés à moi de façon très naturelle, presque magique… Sara Teasdale disait que ses poèmes étaient des « songs » et il y a une vraie rythmique et musicalité dans sa prose. Parfois c’était pas évident de faire d’un poème de 2 strophes une chanson entière avec couplet, pont, refrain… Mais j’ai trouvé des astuces comme répéter 2 fois la même chose ou lire les vers dans un autre différent. J’ai remarqué que, souvent, je répète le titre du poème dans le refrain, comme dans Song at Capri ou The Ghost.
On imagine que t’as un peu fouillé qui été Sara Teasdale. Comment la présenterais-tu ?
Une fois que j’avais écris plus d’une dizaine de morceaux en pensant à cette histoire d’amour impossible, j’ai commencé à connecter un peu plus avec Sara Teasdale. Et là, j’ai ouvert une porte incroyable sur sa vie, ses amours, ses œuvres.
Sara Teasdale est née en 1884 à Saint-Louis dans l’Etat du Missouri. Elle est née dans une famille fortunée et a été très protégée dans son enfance car elle était souvent malade. Elle n’a pu commencer l’école que vers ses 9 ou 10 ans, ce qui a fait d’elle une rêveuse et une poète. Très tôt, elle est reconnue pour sa poésie et gagne le 1er prix Pulitzer de Poésie pour son recueil “Love Song”, celui que j’ai mis en musique. Reconnue de son vivant, elle se marie avec un banquier et s’installe à New York. Après un divorce et une pneumonie qui n’en finit plus, elle se suicide en 1933 à l’âge de 49 ans. Une fin parfaitement romantique pour une poétesse de l’époque.
Autre aspect intéressant de sa vie : elle faisait partie d’un groupe d’artistes femmes appelé “The Potter’s Wheel” (la roue du potier) où des photographes, des sculptrices, des poétesses, des dessinatrices se réunissaient et éditaient un journal mensuel fait à la main en un seul exemplaire. C’était en plein dans la période Art nouveau et c’était des pionnières dans diverses disciplines, notamment la photographie.
Pour revenir à la musique, je trouve que Words of Sara valorise encore plus la beauté de ton chant. La folk est une couleur de cœur pour toi ?
Je sais pas, je trouve que c’est bien aussi M.A.N AND THE MANIACS quand l’ingé son monte mon micro (rires)… Plus sérieusement je comprends pourquoi on me dit ça, et je dois reconnaitre que j’ai la folk dans le sang. J’ai plein de mélodies en moi qui sonnent un peu celtiques ou americana et je ne sais parfois pas d’où ça sort… Mais c’est indéniablement mes racines !
Tu es accompagnée dans cette aventure par Elodie aux percussions et aux harmonies. Elle a un rôle assez discret mais pourtant très important de valorisation des mélodies. Comment tu décris votre connexion musicale ?
Elodie est notre batteuse et choriste dans M.A.N AND THE MANIACS et j’avais remarqué qu’elle était extraordinaire en harmonies vocales. Puis on s’était parlé d’Agnès Obel et j’ai bien capté qu’elle aimait ce genre de musique ! Donc je lui ai proposé de m’accompagner.
Un set entier juste voix-guitare c’est dur, surtout que je réapprenais à jouer de la guitare au début du projet. Elle chante de ouf et nos voix sont très proches et avec des « ambiances percussives » – on peut pas vraiment parler de batterie – elle crée de la dentelle autour de nos voix et des poèmes. Je l’aime ma Piouty.
As-tu hésité à proposer un groupe plus riche en musiciens dans ce projet ou le duo était une évidence ?
Le solo ou duo était une évidence car c’est très dépouillé, et je souhaite que ça reste épuré. Mais c’est drôle que tu demandes ça parce qu’on a récemment demandé à Arnaud Beyney, guitariste de M.A.N AND THE MANIACS, de nous accompagner à la basse et à la guitare pour notre grosse date au Festival Off de Carcassonne en 1ère partie de Juliette le 11 juillet. Je te dirai si c’est concluant, mais sur des grosses scènes, la basse donne plus d’épaisseur à certains passages, tout en restant très épurée et éthérée. Je suis consciente que c’est plus « banquable » un duo de meuf qui fait de la folk mais il faut toujours rester au service de la musique. Agnès Obel ou Laura Marling ont 3 ou 4 musicien.n.es qui les accompagnent, c’est pas un problème, faut juste avoir le budget ! Pour le moment on reste à deux pour la plupart des dates et si jamais on fait appel à Arnaud c’est juste en accompagnant, pas l’intégrer au duo ; rassure-toi (rires).
Words of Sara enregistre un premier EP fin août avec Olivier Cussac !
Je trouve votre direction artistique ultra travaillée également, pas uniquement la musique. Vos tenues, la scéno, tout est très poétique dans Words of Sara !
Dès le début c’était également une évidence par rapport à la musique, la poésie, l’époque, l’Art nouveau. On ne veut pas non plus tomber dans le cliché, on cherche à ce que ce soit un syncrétisme digéré et moderne.
Aujourd’hui très peu de choses sont encore écoutables sur le web avec Words of Sara. On a le droit de dire qu’un premier EP est en cours ? Dis-nous tout !
Avec Arnaud Beyney on a enregistré 13 titres en maquette dont certains sont dispos sur Soundcloud ou Bride Audio. Mais oui on travaille tous les 3 avec Olivier Cussac, qui a bossé avec Marie Sigal, Julii Sharp ou plus connu Slift, sur un EP et on enregistre en août !
Cette année, vous êtes sélectionnée par le Focus d’Opus. Il représente quoi ce dispositif pour toi, et tu en attends quoi ?
Pour moi le Focus d’Opus représente une reconnaissance de notre projet et c’est très motivant. On a certes pas mal d’expérience professionnelle mais le projet est naissant et on a vraiment besoin de ce soutien pour bien démarrer. Je trouve tout ce qui est proposé super utile : des rdv pros, des photos, vidéos et bien sûr une belle exposition au Metronum ! Au-delà de ça, de savoir qu’on peut compter sur des passionné.e.s de musique pour nous mettre en avant et nous conseiller quand on a besoin, c’est précieux.
La date du 21 novembre au Metronum, tu la projettes comment ?
J’ai peur (rires).
Vous allez, avec Les Incultés, enregistrer un titre en vidéo via le Focus. Tu sais déjà quel morceau et dans quelle ambiance ce sera organisé ?
Oui on va faire Riches, qu’on a déjà joué pour Sofar Sounds Toulouse. Et je vois soit une ambiance chapelle, église abandonnée ou alors un intérieur très cossu car dans Riches Sara Teasdale dit : “je n’ai d’autres de richesses que mes pensées…”
Opus est un média de découvertes musicales : quels sont les 3 projets musicaux que tu aimerais faire écouter à nos lecteurs ?
Helena Deland une française qui a sorti un album qui s’appelle “Goodnight Summerland“. Haley Heynderickx, avec “I need to start a Garden”. Et Laura Marling “I speak because I can”
Et pour finir : si tu pouvais imaginer ton festival idéal, il se passerait où et tu inviterais qui ?
Mon festival idéal il existe déjà : il s’appelle La Fête de L’été et il se passe à la Belle Eco, un lieu magique et assez rock’n’roll à côté de Carcassonne à Montréal d’Aude. J’inviterai bien Mandarine, le groupe toulousain à jouer la prochaine fois !
Merci Marina !
Partenaires du Focus d’Opus :
Le Metronum, Les Incultés, Sozinho, Mathpromo, La Sacem, Nuance Records, Opus Musiques.
Projets accompagnés en 2024 :
Ciel Ether, terestesa, Words of Sara.