Younès Farhi : “Les plus beaux moments étaient souvent après les concerts, quand je rentrais encore plein d’adrénaline, que je commençais à retoucher les photos”

« La nuit, je rêve d’être artiste » est le nom de l’exposition photo de Younès Farhi à découvrir au Metronum à partir du 8 octobre. On a posé quelques questions à l’artiste toulousain qui est passé de l’autre côté de l’objectif après avoir foulé de nombreuses scènes toulousaines un micro à la main…

@ Rémi Basson

Bonjour Younès ! La dernière expo photo qu’on a vu de toi était au Zénith de Toulouse. Quels retours as-tu eu sur cet événement-là ?

Bonjour Opus ! Ça fait plaisir de vous revoir ! L’expo du Zénith a été un très beau projet que j’ai eu la chance de mener, avec un accompagnement formidable de Jacques Sierpinski et de toute l’équipe du Zénith de Toulouse. Il y avait des formats vraiment grands, un récit cohérent, et surtout un sujet qui me tenait à cœur : celui du public en concert.
Concernant les retours, disons que cette exposition n’avait pas forcément vocation à en recevoir beaucoup. Le public qui vient au Zénith, vient avant tout pour voir un concert, donc il ne se penche pas forcément sur les photographies ; elles font plutôt partie du décor. Mais j’ai quand même reçu quelques messages de soutien et rencontré pas mal de gens grâce à cette expo. Cela reste une belle ligne sur mon CV, et le vernissage avec ma famille et mes amis au Zénith a été un moment super.

On va désormais te retrouver au Metronum. Peux-tu nous raconter comment s’est dessiné cette opportunité d’exposition ? Elle fait suite à une résidence c’est bien ça ? 

Oui, c’est ça. J’ai été en résidence pendant toute la saison 2023-2024. J’ai photographié de nombreux concerts produits par le Metronum, et j’ai eu la chance de tomber sur l’année des 10 ans, avec plusieurs gros événements comme le concert de Fatoumata Diawara ou de Patrice. Ce projet est né d’une rencontre avec l’équipe de la salle, de discussions, et d’un amour commun pour la photographie de concert.
C’est une salle où j’avais déjà beaucoup photographié, donc on se connaissait un peu, et au fur et à mesure des concerts, les discussions se sont approfondies. L’idée du Metronum était de faire vivre l’espace aussi à travers les arts visuels, notamment la photographie. C’est tout naturellement qu’un projet de résidence a émergé. Un projet « test » qui pourrait en appeler d’autres dans les années à venir.
L’exposition est le fruit de cette résidence. J’ai proposé un projet d’expo globale, répartie dans plusieurs parties du bâtiment. On a retravaillé tout ça ensemble et ensuite, on s’est lancé avec différents prestataires. Ils m’ont laissé une grande liberté, et je les en remercie. J’ai pu vraiment raconter l’histoire que je voulais, comme je le voulais.

J’ai vu énormément de concerts, plus de 40, avec des énergies, des émotions et des styles variés. J’ai pris des photos différentes à chaque fois, en fonction de ce que me transmettait l’artiste.

Comment résumerais-tu cette année de résidence ? 

Si je devais la résumer, je dirais que c’était comme un grand pont de lumière avec des spots qui tournaient dans tous les sens, envoyant sans cesse des couleurs différentes. J’ai vu énormément de concerts, plus de 40, avec des énergies, des émotions et des styles variés. J’ai pris des photos différentes à chaque fois, en fonction de ce que me transmettait l’artiste.
Ce qui résume bien cette année, c’est l’échange implicite entre l’artiste et moi. Sans se parler, car je communique très peu avec eux, je prends ce qu’ils ont à me donner, et en retour, je leur offre une image, leur reflet.

Peux-tu nous dire quel a été le plus beau moment photographique de la résidence ? 

Je ne sais pas s’il y a eu un moment plus beau que les autres, car il y en a eu plein. Mais si je devais retenir un moment marquant, ce serait le premier concert où je me suis retrouvé seul au crash. Tous les autres photographes n’avaient accès qu’aux trois premiers morceaux, mais moi, j’avais carte blanche. Je me suis dit : « Ça y est, je suis là pour un an, je vais pouvoir faire ce que je veux, raconter ce que je veux », tout en ne sachant pas encore quoi raconter.
C’était un moment de flou total, qui s’est peu à peu dissipé au fil des concerts, des mois, des sélections. Le plus beau, c’était de voir ma pensée et ma création se préciser au fur et à mesure du temps. Les plus beaux moments étaient souvent après les concerts, quand je rentrais encore plein d’adrénaline, que je commençais à retoucher les photos et que je me disais : « Oui, je suis sur la bonne voie ».

Et si tu devais nous dire quels ont été les lives les plus marquants auxquels tu as assisté ? Après tes yeux, on veut savoir ce que tes oreilles ont préféré !

Le concert de Fatoumata Diawara était magnifique. Je l’attendais beaucoup, c’est une artiste que j’adore depuis longtemps. Le concert était superbe et j’étais très satisfait de mes photos. Ensuite, le concert de Patrice, qui était sur ma liste d’artistes à voir. Il y avait une belle alchimie avec le public, et Patrice est allé chanter parmi eux, c’était beau.
J’ai aussi adoré le concert de Sixun, celui de Haruko, ainsi que la date métal avec All for Metal et Crimson Veil. Je n’écoute pas du tout ce style de musique, mais la scénographie et le jeu des artistes étaient vraiment impressionnants. J’ai également apprécié Swing, un artiste que j’aime particulièrement, et les performances d’amis locaux comme Suzanne Belaubre, daoud et Heeka.

L’envie d’utiliser l’espace du Metronum dans sa globalité pour créer différentes ambiances, comme dans un set de musique

L’expo va investir la quasi-totalité du Metronum : le patio, le bar de la grande salle, les fenêtres des loges, l’étage, les studios de répétition. Pourquoi ce choix, et surtout est-ce que les visiteurs pourront aller voir la totalité de ton travail un soir de concert « classique » ? 

J’avais envie d’utiliser l’espace du Metronum dans sa globalité pour créer différentes ambiances, comme dans un set de musique. Changer d’ambiance, c’est comme changer de morceau.
Il y avait aussi la volonté du Metronum d’habiller tout le bâtiment. Pour des raisons techniques, on ne pouvait pas accrocher des photos dans la salle de concert, car cela aurait affecté la qualité sonore. Le cœur de l’exposition se situe donc dans les locaux des studios de répétition, où j’avais plus de liberté.
Concernant les soirs de concert classique, je ne sais pas encore comment cela sera organisé, mais le public pourra déjà profiter du patio et de la grande salle où seront exposées quelques photos.

Etant moi-même photographe, je suis très touché par ta capacité à regarder ailleurs que sur scène : c’était le thème de ton expo au Zénith qui s’intéressait aux spectateurs. De ce que j’ai aperçu de cette nouvelle expo, il est question d’artistes sur scène, mais pas que : je pense notamment à l’entrée dans le patio… 

Merci, ça fait plaisir ! Oui, au Zénith, je m’intéressais vraiment au public. Pour cette expo, je me concentre davantage sur les artistes et la scène pour raconter une histoire, un rêve. Mais il y a tout de même quelques photos du public, notamment dans le patio, où je voulais conserver cette idée du spectateur dans une foule bouillonnante, tout en mettant en avant l’individu seul. C’est le nom de cette zone : « Seul au pluriel », une foule compacte face à un artiste seul sur scène.

Si je te demande de me décrire UNE SEULE photo de l’expo. Celle dont tu es le plus fier. De laquelle me parlerais-tu ? 

Une seule photo sur 7 000 ? C’est cruel ! (rires). Mais si je devais en choisir une, ce serait celle de Fatoumata Diawara qui enlève son masque et le lève vers le ciel. C’est la conclusion de mon exposition. Je ne veux pas trop en dire pour garder la surprise, mais durant son live, elle porte un masque qui semble la posséder, la transformer, la conduire vers une autre dimension plus sombre. Puis, après une sorte de combat sur scène qui dure cinq à dix minutes, elle finit par l’enlever dans un moment d’extase et de joie pure, comme si elle se retrouvait enfin.
Pour moi, cette photo raconte l’artiste qui se libère de ses chaînes et devient enfin lui-même, et c’est la conclusion idéale de l’expo.

@Younès FARHI

Les artistes toulousains sont pas mal valorisés dans tes choix de photos : Aluminé Guerrero, Suzanne Belaubre, daoud, Heeka par exemple… C’était là aussi une envie ou c’est un hasard avec la programmation du Metronum qui accorde une belle place aux locaux ? 

C’est surtout grâce au Metronum, qui accorde une grande place aux artistes locaux en développement. C’est génial que ces groupes puissent performer dans une salle de cette qualité. Après, c’est aussi un hasard, dans le sens où je n’ai pas construit mon exposition en fonction des artistes, mais plutôt autour de mon récit. Il se trouve que beaucoup de photos d’artistes locaux servaient bien ce récit. C’est aussi un hasard « forcé » puisque j’ai une proximité particulière avec certains artistes comme Heeka ou Daoud, et cela se ressent forcément dans mes photos.

Le 7 décembre 2018, j’étais en concert au Metronum. Sur scène, dans la prog’ hip hop il y avait un certain Yous MC que tu connais très bien puisque c’était ton nom de scène. Tu sais à quel point j’ai écouté et j’écoute encore tes musiques. Est-ce que ceux qui ont aimé Bêtise, Kares, Mini Elephanteau, Y et plein d’autres titres de ta discographie peuvent espérer réécouter ta musique ? 

Ah, la belle époque… Il y a trois ans, j’ai décidé de faire une pause dans mon projet musical pour plusieurs raisons. Cette petite pause est devenue longue, et depuis que je ne suis plus dans cette démarche, je me sens mieux dans ma vie. Je crois que cette musique ne me ressemble plus trop.
Du coup forcément, de cette pause est née un certain laxisme sur le renouvellement des abonnements de streaming, donc oui il y a beaucoup de sons qui disparaissent de mois en mois et il faut que je les remette. La dernière fois que j’y ai pensé j’ai fait un point financier et je t’avoue Rémy que c’est absolument pas rentable pour moi de les avoir en ligne et en plus ça prend du temps. Donc je lance un appel si quelqu’un est chaud de prendre le relais sur la publication de ma discographie sur les plateformes de streaming, tout ré-uploader etc c’est avec grand plaisir ! Vous pouvez me contacter sur tous mes réseaux sociaux (rires).
Et plus sérieusement parce que je ne me suis jamais trop exprimé sur le sujet je tenais à dire officiellement que je ne sais pas trop quoi dire sur ce sujet. Le rap ça a été toute ma vie pendant longtemps et il est parti aussi rapidement qu’il est arrivé donc je suis moi-même surpris que je ne sois plus animé par cette flamme. Peut-être que ça reviendra un jour mais en tout cas je ne me presse pas je pense aussi que la nouvelle industrie du rap n’est pas faite pour moi et qu’il ne faut pas se forcer à être quelqu’un qu’on n’est pas c’est exactement le thème de mon exposition d’ailleurs.

Tu connais Opus, on reste un media de découvertes musicales. Quels sont les 3 artistes que t’as envie de faire écouter à nos lecteurs ?

Ça peut paraître bizarre, mais  cette pause de rap a aussi engendré une pause d’écoute de musique. C’est très étrange mais c’est comme ça. J’écoute plus vraiment de musique au quotidien donc je suis un peu à la ramasse sur les artistes. Mais je vais faire un petit effort et je conseillerais : daoud, Haruko et Heeka. Voilà je reste dans les artistes locaux toulousain et des gens que j’apprécie énormément, des gens de talents et de belle humanité !

Merci Younès ! Bonne expo et à très bientôt

Rémy

Créateur d’Opus, Rémy est à la fois rédacteur et photographe dans notre media. Un mélomane qui écoute aussi bien du rock que du rap ou de la pop, et qui aime fouiller la scène locale.
C’est également lui qui gère le projet Focus d'Opus