MEE AND MEE : « Mes chansons, ce sont des choses que j’aurais voulu dire »

C’est une artiste qu’on a découverte en première partie d’Izia. MEE AND MEE, une fille qui a atterri à Toulouse, qui joue de la folk avec une vraie vision de la musique. La création du projet, l’histoire de ses EP… Découvrez une artiste qu’on adore et qu’on vous invite à découvrir au plus vite en live ! 

Bonjour Fanny, t’es la fille derrière ce nom, MEE AND MEE. Comment est né ce projet ? Est-ce que c’est ton premier? Ton unique ? On veut tout savoir !

Le tout début de l’histoire, j’ai quelque chose comme 12 ans et demi. Mes parents sont divorcés, je suis en weekend chez mon père, et on a un vieux canapé rouge vintage dans lequel il s’installe confortablement avec sa gratte électrique, une Aria Pro II pour être précise. Je le regarde faire en tailleur en face de lui. Je trouve ça trop beau et je me dis qu’il faut que j’apprenne à faire la même chose. Il me montre 2, 3 accords, je m’enferme dans ma chambre pendant 5, 6, 7 jours à les refaire jusqu’à en avoir les doigts qui saignent. Au bout d’un moment je commence à tourner en rond, alors je me mets à reproduire des trucs que j’adore. C’est en fait d’une pratique autodidacte dont je te parle. C’était Nickelback à l’époque, Scorpion avec l’intro d’I’m Still Loving You, et puis ACDC !

De là, j’ai commencé à faire mes premières compos, et arrivée à un certain nombre de chansons, j’ai enregistré un premier EP, qui s’appelle 6.5. Ah oui ! Parce que le public me découvre souvent avec les chansons de Make Non Sens Everyday ou d’Extrasystols, qui sont en fait les 5 et 6e EP, et non pas les premier et deuxième. Le tout premier EP s’appelle donc 6.5. C’est 10, 15 compos qui oscillent entre anglais et français. J’avais 15 ans quand on a enregistré ça chez un pote, Léo Moriaud qui est resté un très bon pote. Arrivée là, j’ai monté mon premier groupe. Mais comme c’est moi qui composais, je savais ce que je voulais entendre, je savais la couleur que ça devait avoir et je laissais très peu de place à mes musiciens. Il aurait fallu des musiciens pros, mais à 13 ans c’est chaud (rires). J’ai alors continué la scène et les répèt’ toute seule.

Ça s’appelait déjà MEE AND MEE ?

Ça s’est toujours appelé MEE AND MEE ! La toute première fois que j’ai dû me trouver un nom de scène, j’ouvrais un dossier pour mettre toutes les chansons de 6.5 sur mon ordi. Comme j’ai grandi près des quartiers, j’écoutais du rap, de la house ou de l’électro un peu funky genre Carmen et compagnie… « Everytiiiiiiiime I hear this grooooooove ». Le premier nom auquel j’ai pensé c’était donc Enjoy Clubbing. Mais ça n’avait rien à voir avec ce que je faisais ! Il aurait fallu que je sois DJ !

Alors j’ai cherché autre chose, et, intuitivement, j’ai été portée par l’idée que mon nom de scène devait témoigner d’un certain rapport entre moi et moi-même. J’ai failli m’appeler Me Myself and I, un nom qui me plaisait beaucoup. Mais formule un peu clichée, j’avais besoin d’un nom visuel qui soit carré et classe : MEE AND MEE, en majuscule avec deux “E”, 3 mots de 3 lettres, c’était nickel !

Plus tard avec les études de Lettres que j’ai faites en prépa, je me suis dit qu’il y avait du sens derrière tout ça. Que MEE AND MEE, ça parlait en fait du rapport entre l’Homme et ce qu’il crée, de la différence entre la personne publique et la privée… C’est plus freudien que narcissique : 3 personnalités en toi, avec la personne que tu crois être, celle que t’es vraiment, et puis l’animal qui agit dans l’ombre de tes pensées, celui qui te fait imaginer, créer !

MEE AND MEE @ LA DYNAMO (Fev 2015) (2)

Tu nous dis donc que t’as déjà fait 6 albums ! 

Oui ! Le 2e s’appelle 21.21. C’est un EP assez important, avec 15 ou 16 chansons, qui est né d’une rencontre amoureuse. Cet EP parle en partie de cette histoire, complètement tortueuse. Disons que je l’ai composé au moment où j’étais dans le tourbillon amoureux, et que je l’ai terminé quand je suis arrivée au bout de cette aventure, en été 2009. Mes compos ont toujours eu un rapport, de près ou de loin, avec l’amour, et que mes albums sont tirés, quoiqu’il arrive, de ce que je ressens, des rencontres que j’ai faites, celles que j’aurais voulu voir advenir.

Après y’a eu 10.02. Dedans, t’as 5 ou 6 compos assez hybrides. C’est à partir de cet EP que j’ai commencé à changer ma façon de chanter et de faire d’la gratte, en cherchant des façons de jouer tel ou tel morceau que j’avais composé il y a longtemps, mais en le dénaturant de sorte qu’à la fin, on ne puisse plus le reconnaitre.

Après, il y a eu 03.03, toujours des chiffres !C’est un EP sur lequel j’ai bossé pendant un an et demi, et qui trouve en fait son prolongement dans Make Non Sens Everyday (en 2013), dont on retient souvent Runaway From You et Sans Dessus Dessous, mais pas Make Non Sens Everyday. Cette compo en fait, c’est un poème en anglais qu’une amie, qui s’appelle Rebecca Joffe, a écrit, qu’elle m’a donné, et que j’ai transformé en chanson en ajoutant toute la partie en français au début. C’est aussi elle qui m’a inspiré la chanson Empty Like You Are. Si tu veux, à la base, c’était un texte qu’elle avait écrit bien avant que je la rencontre. Un jour elle me l’a montré, et quand je l’ai lu, les mots se sont transformés. J’ai vu une compo, et j’ai retravaillé quelques parties en ajoutant un bout de phrase en anglais ici et là, et voilà, c’était dans la boite.

Pour tout te dire, je suis très heureuse de savoir que les paroles de 3 chansons ont en fait été tiré des carnets de Rebecca. D’abord parce qu’ils sont magnifiques et qu’elle a, d’après moi, une putain de fibre artistique ! Mais surtout parce que c’est quelqu’un d’intègre, une amie avec un grand A, quelqu’un avec qui je partage une certaine vision de la vie et de l’art en général. C’est un peu un honneur pour moi, tu vois ? De cristalliser notre amitié jusque dans l’enregistrement d’une musique. Je n’ai jamais chanté les textes de personne d’autre d’ailleurs, parce que de mon point de vue, composer, c’est une activité qui met en éveil les parties les plus intime de ton âme, et que ça, tu ne dois le partager qu’avec quelqu’un que tu aimes, que tu connais vraiment bien, point barre.

On en vient à ton dernier album : combien de temps entre les 2 ? 

1 an.

T’es boulimique de création ?

(rires) Non j’ai beaucoup souffert !

Celui-ci est plus cohérent musicalement, autour d’une base blues folk country. Pourquoi ce virage sur Extrasystols ? 

J’ai pas de réponse à ça, j’en sais rien !

Quand j’ai rencontré Rebecca, je me suis mise à écouter du rock made in USA. Je suis tombée dans les Doors, Magma, dans Brian Jonestown Massacre, BRMC qui est devenu un peu plus commercial maintenant, mais que j’aime toujours autant… ça a joué c’est sur ! Récemment je me suis mise à écouter du Higelin aussi ! Des trucs que j’écoutais plus du tout, du vieux blues à l’ancienne et des musiques africaines. Tout ça m’a, et est en train de m’influencer énormément sur le nouvel EP qui s’appellera Go Further, mais je ne sais pas quand il sera fini je ne me fixe pas de limite de temps… L’inspiration vient, vient pas, ma vie elle vient, elle vient pas ! Si Go Further arrive dans 3 ans ce sera dans 3 ans, si c’est dans 4 jours ça sera 4 jours !

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Pour revenir à ta question, disons que certaines de mes chansons sont linéaires, mais plus ça va, plus j’essaye de créer de la complexité avec mon instrument. Ce que je veux dire par là, c’est que s’il y a bien une chose que je déteste par-dessus tout, c’est les nanas qui jouent de la guitare et qui font un pauvre accord un peu pop folk pendant touuuuuut le long de la chanson. La guitare dans tout ça ? Il ne se passe rien, elle est comme figurative… Moi j’ai besoin de faire sentir que mon instrument n’est pas là pour faire joli !

Sur I Was Wondering, la seule compo que je dirais folk country, j’ai voulu rendre une sorte d’hommage à Bob Dylan que j’ai beaucoup écouté. Sa façon de chanter et de jouer m’a inspirée. Sur cette piste, je voulais trouver un truc à la guitare qui envoie du lourd, un bon riff qui me fasse penser à du blues sans être du blues, tout en ayant mes doigts qui vont dans tous les sens.

C’est là que j’ai commencé à jouer en open tuning d’ailleurs. C’est assez technique, car la voix n’est pas du tout sur le tempo de ce que je fais aux doigts. Si tu veux, en écoutant du rock, j’ai voulu, consciemment ou pas, jouer des trucs encore plus difficiles avec des gros bents, des montées, des descentes, des solos intégrés dans la chanson, tout en me posant la contrainte de poser la voix. C’est comme ça que je suis entrée dans le style rock folk blues. Les 3 vont bien ensemble : folk pour l’état d’esprit acoustique, rock pour l’énergie dans la voix, blues pour le type de jeu à la guitare.

C’est vrai qu’on te le dit peut-être pas, mais t’as un niveau de guitare assez dingue ! Quand on te voit arriver au Bikini avec une guitare on se dit « c’est bon elle va nous faire ses petites balades pop » et en fait non y’ a une vraie guitariste ! 

Et bah merci ! MERCI ! Souvent, on me remarque pour ma voix et ça me désole un peu ! La structure de The Mountain, la montée de tempo, le petit passage un peu hindou à la fin, le solo qui finit en explosion… Y’a 4 ou 5 mouvements dans cette chanson ! De la même manière dans Empty Like You Are où t’as cette grosse ligne de basse au début, après c’est hyper puriste puis de nouveau un truc un peu hindou pour arriver en fin de manche sur quelque chose d’un peu plus psychédélique, flottant, et reeeeepartir sur ce sur quoi on s’était arrêté. La structure de mes morceaux, c’est souvent pleins d’idées qui ne vont pas forcément les unes avec les autres. Donc je suis là « ok, ça va pas ensemble, il faut que je trouve, que je triture ma guitare » et y’a toujours un moment où j’arrive à trouver !

Tu parlais d’Higelin l’occasion de dire qu’on t’a découvert en 1ere partie de sa fille, Izia. Une date possible grâce à Olivier Bouton de Budapest. Comment lui t’as rencontré, tu peux nous raconter tout ça ?

En fait la rencontre avec Olivier s’est faite lors d’une interview chez FMR début février, alors que la date d’IZIA était en novembre dernier ! Je ne l’avais jamais vu en fait, c’est lui qui m’avait vue à La Dynamo. Cette date à la Dynamo, c’est grâce à Kieran, un mec qui a un groupe qui tourne à gauche à droite. Je l’ai rencontré au Bar d’En Face où il y avait une scène ouverte. J’y étais retournée la semaine d’après jouer 3 ou 4 chansons et il m’a dit « ça te dirait que je te fasse jouer à La Dynamo ? ». Évidemment, j’ai dit oui ! Il m’a programmée en cœur de set, j’étais trop contente ! Cette date a très bien marché, La Dynamo était blindée. Pour moi c’était vraiment le premier pas dans la scène toulousaine. Jusque-là j’avais fait que du caf-conc’, de la rue, mais pas de petite salle de concert. Le Connexion j’y suis toujours pas passée… Et bref, quand Samuel Capus m’a appelée de la part d’Olivier pour me proposer la première partie d’IZIA au Bikini, je faisais les soldes avec ma belle, j’ai cru que c’était une blague, un pote qui sait que j’adore ses deux premiers albums.

Donc pour revenir à Olivier, je ne l’avais jamais vu. J’ai eu de ses nouvelles 2 semaines après la date du Bikini, et l’ai croisé par hasard chez FMR. Lui m’a reconnue, mais moi je ne savais pas à quoi il ressemblait. Juste avant de partir, Rebecc, avec qui j’étais à ce moment-là, me dit : mais c’est les mecs de Budapest eux tu sais ? Alors je mets la main sur l’épaule d’un des mecs du groupe, je lui demande de passer le bonjour à Olivier de ma part, et il me dit « bah c’est moi » (rires).

Cette date avec Izia, c’est ton plus beau souvenir jusque-là ?

 

C’est une bonne question. C’est difficile d’y répondre… Intuitivement  je te dirais oui. C’est quand même le Bikini ! Pendant le concert, j’ai insisté sur le fait que je sortais de nulle part, peut-être un peu trop d’ailleurs, mais ce que j’ai voulu dire par là, c’est que c’était très beau de pouvoir me dire « putain, y a quand même de la place pour les artistes indépendants dans ce genre de salle » ; de pouvoir me dire que c’était encore possible, de réaliser ça, uniquement grâce à la scène et au bouche-à-oreille, c’était fort.

J’aime pas le mot fierté, mais ça a été une date très symbolique, et ça m’a fait quelque chose à l’intérieur quand je suis montée sur les planches avec mes santiags toutes trouées. Tu te retrouves là devant 1 400 personnes, avec des conditions techniques de fou, t’as bouffé suffisamment de scène pour être à l’aise et concentrée.

Si tu veux c’est vraiment une date qui est tombée du jour au lendemain, et qui m’a fait me poser une question importante, parce que quand ça t’arrive, et que tu fais de la zic comme moi j’en fais, en autoprod, auto-booking, auto-tout, tu te dis « c’est Mee-Mee-06du hasard ou pas ? ».

La réponse à cette question, je l’ai eu quand je suis arrivée là-bas, et que j’ai discuté avec deux mecs du Bikini, qui m’ont demandé « et toi, comment ça se fait que tu fais la première partie ? ». Quand je leur ai répondu que c’était tombé du hasard, ils ont rigolé en me disant qu’il n’y avait pas de hasard dans la musique, et qu’on se retrouvait pas au Bikini par hasard, que si j’étais ici c’est parce qu’il y avait du taf derrière, et c’est vrai !

Ce qui est drôle dans cette histoire, c’est que plus jeune, en Haute-Savoie, suite à une petite résidence, on m’avait proposé de faire un concert au Château-Rouge, une SMAC qui m’a vu grandir depuis mes débuts. Si j’assurais sur ce concert, on me programmait en première partie d’IZIA, qui devait venir jouer au Château peu de temps après, c’était au moment de son premier album. Mais je me suis chiée à mort ! Et puis tu vois, quelques années plus tard, j’ai fini par la faire, cette première partie ! C’était un beau cadeau de la vie, comme un clin d’œil. Ça m’a confortée dans l’idée de continuer à faire ce que je fais à ma manière : lentement, mais surement !

Tu viens de la Montagne comme tu aimes le rappeler en concert, tu le chantes d’ailleurs avec The Mountain. Toulouse c’est une étape ou tu veux rester ici ?

C’est vachement flou ! À la base je suis venue ici parce que je voulais changer d’air, j’étais en prépa littéraire à Annecy, et je voulais partir à l’étranger, mais l’étranger, c’était « partir suffisamment loin pour sentir ce que ça fait de prendre son indépendance »,  mais « partir suffisamment près de chez mes parents dans le cas ou la prise d’indépendance se passerait mal ! ». Du coup je suis d’abord venue là pour finir mes études ; la musique a toujours été à côté. En fait .. Non.. Elle a toujours été en face, mais… Les études c’était pour me dire « Si ça ne marche pas dans la musique au moins j’ai un bout de diplôme » quoi que tu me diras, même avec ça tu trouves pas de boulot ! Puis j’ai fini mes études, continué la musique, et me voici en face de toi !

Si je vais rester ici ou pas, je sais pas… Y’a des choses qui se passent ici pour moi en ce moment sur le plan musical. Le Bikini, il s’est passé quelque chose. Je me suis rendu compte que j’avais de plus en plus de contacts, et puis je sens qu’une niche est en train de se faire. Je pense qu’il faut que je reste encore un petit peu par ici, je vais me donner le temps d’user la ville. J’aime bien rester quelque part jusqu’à me sentir lacée pour partir sans aucun regret et m’arracher ailleurs. Le prochain endroit, je pense que ce sera Bruxelles. Cette ville m’attire, j’y pense depuis quelque temps. Après le sud, le nord !

En concert, en tant que spectateur, on a vu une fille qui a la patate, qui prend son pied, qui fait ça pour partager ce moment avec le public, une nana humble qui tient à ses racines. On a vu juste ? 

Ça me fait plaisir que tu dises ça ! Ce qui est paradoxal, c’est que je chante beaucoup les yeux fermés. Donc de quel partage on parle en fait ? La musique, personnellement, ça me ramène à l’intérieur. Je ne sais pas si j’aime partager ou pas. Enfin si, j’aime, mais c’est une certaine dimension de ce partage qui me plait. Disons plutôt que j’aime la scène pour ce qu’elle nous apporte à tous. Quand t’es musicien et que tu fais un concert, si tu y es vraiment, t’oublies qui t’étais, qui t’es, qui tu seras ; tu chantes ! Et quand tu chantes, t’es quelqu’un d’autre, et il se passe des choses à l’intérieur de ton corps, dans ton cerveau, dans tout ton être.  Si t’arrives à embarquer le public, c’est-à-dire le monde qui t’est extérieur, DANS ton monde intérieur, alors oui, on parle de partage. On va pas le nier, quand ça se passe comme ça, tu sens l’énergie que ça génère autour de toi, dans un lieu précis, à un moment précis, et tu sais qu’il se passe un truc de fou au moment où tous ces inconnus se mettent à danser sous ton nez !

Y’a une puissance politique dans la musique qui me plait en fait ! L’autre soir, t’as un mec qui est venu me voir, Guillaume, et qui m’a dit « tu sais quoi ? Ça fait des années que je rêve de prendre mon van et mon vélo, et de partir sur la route, et là, en écoutant ta musique ce soir, j’ai fermé les yeux et je me suis imaginé le faire ! » C’est ça la puissance politique. Politique dans le sens « faire agir, donner envie de…», impulser un mouvement qui soit hors du temps et des lois. La musique pour moi, c’est un besoin, pas une envie de partager. Mais en exprimant ce besoin de dire, de faire, en le rendant public, un espace d’interconnexions se crée, et de là, chacun fait ce qu’il veut avec. Si tu veux, j’aime et je crois en l’idée qu’un concert, ça peut réveiller des émotions très profondes en toi, et que ces émotions elles te permettent subtilement de faire des choses que tu n’aurais jamais faites autrement.

Pour l’humilité, ça me fait vraiment plaisir, d’autant que j’ai pris pas mal de claques du fait que je pouvais être assez grande gueule quand j’étais plus jeune. J’ai fait des gaffes pas croyables dans mon parcours on va dire semi-professionnel d’intermittente-non-déclarée (rires). Donc j’ai gagné en humilité c’est sûr, en comprenant ce pourquoi je m’emballais parfois, parce que l’humilité, c’est une question qui te ramène à tes peurs. Pendant longtemps j’étais dans un rapport de comparaison avec ce qu’il y avait autour de moi. Je me posais des questions parasites du genre, « est-ce que ce que je fais c’est bien ? Est-ce que le mythe des 10 ans de créativité c’est vrai ? Auquel cas je suis au bout du rouleau ! » Mais en fait, on s’en fout de se comparer ! On s’en fout du mythe des 10 ans ! Ce qui compte, c’est de faire les choses qu’on fait avec amour, et d’encourager ceux qui le font bien à le faire encore mieux ! J’espère juste pouvoir continuer à faire de la musique jusqu’à la fin de ma vie !

Comme Precious Bryant ?

Ouaiiiis!!!!

Ton dernier EP m’a vraiment fait penser à cette artiste d’ailleurs ! Cet univers folk blues limite country. Je t’imagine bien jouer comme elle sur ta guitare dans une caravane perdue au milieu de nulle part, dans la montagne (rires)

Dans un chalet avec vue sur la montagne et petit lac juste en dessous !

Une nana qui a la pêche, mais qui chante beaucoup de chansons tristes bizarrement !

Ouais ! Je pense que la musique, c’est une manière de s’inscrire dans un instrument, un besoin d’inscrire dans le fil du temps ta propre temporalité intérieure par le biais de la parole, la voix étant un instrument aussi. Et quand tu as besoin de faire ça, c’est parce que t’acceptes pas telle ou telle chose. En fait, y’a une forme de brutalité ressentie qui est transformée en intensité musicale au lieu d’être déchargée dans le monde réel.

Ça me fait penser à une chanson que j’ai faite et qui s’appelle Des nœuds dans ma tête. Dans cette chanson je dis « Si je chante des chansons tristes c’est pour t’épargner mes pleurs, ma musique est le seul refuge qui accueille ma douleur ». Concrètement, quand tu chantes quelque chose, c’est précisément parce que tu es quelque part incapable de le dire.

La plupart des chansons qui nous touchent vraiment ont été composées à partir d’un événement violent, qui marque de son empreinte la vie du musicien, qui doit transcender ça d’une manière ou d’une autre. T’en as qui font du sport, qui fument des clopes, qui boivent des bières, t’en as qui font tout ça en même temps, d’autres qui se jettent à corps perdu dans le sexe, d’autres qui vont être à fond dans le travail. Moi je le fais avec la musique !

La plupart de mes chansons, ce sont des choses que j’aurais voulu dire, mais que je me suis empêchée de dire parce que c’était trop violent. Même Runaway From You ou Sans Dessus Dessous, y’a toujours un sourire un peu cynique derrière, comme une grande claque que je donnerais derrière la tête de ceux que ça concerne pour dire « j’ai pas aimé ce que tu m’as fait, mais en même temps je te le montre avec amour parce que même si ça m’a touchée-coulée, je veux pas te faire de mal ».

Je suis pour l’amour dans la vie en général, c’est central dans l’existence. Du coup j’essaye de transmuer ça en amour et ça me permet aussi de me libérer. À la fin d’une compo je me sens, mais… Aaaaaaaah je me sens trop heureuse quoi, y’a pas de tension dans mon corps !

Tu parles de Sans Dessus Dessous c’est vraiment mon petit coup de cœur. Pas la piste la plus joviale, mais un joli texte et une belle mélodie, des arrangements qui arrangent vraiment pour le coup !

C’est hyper important pour moi les arrangements, c’est des petits riens qui vont apporter à ton morceau sans le dénaturer. J’essaye de faire des arrangements minimalistes, y’a pleins de trucs que les gens n’entendent pas en général, j’y passe des heures ! C’est très souvent tôt le matin que je compose, ou tard le soir. Une compo me prend 7 à 8 heures de travail en terme d’enregistrement, arrangement, mastering, transfert, etc. Je fais la piste principale, puis une fois en place, je me laisse porter par la chanson, et je m’accompagne comme si j’étais en train de faire un jam avec quelqu’un. Et quand je trouve les sonorités parfaites, je boucle la piste, et je fais ce qu’il reste à faire pour transférer le tout sur mon ordi dans mes ptits dossiers MEE AND MEE !

MEE AND MEE, c’est un projet que tu défends seule. T’as déjà hésité à le partager avec d’autres voix ? J’adorerais entendre ta voix en harmonie !

C’est marrant ce que tu me dis, parce que justement, je suis en ce moment même en train d’envisager les choses autrement que toute seule. Ce déclic, je l’ai eu peu après qu’on m’ait volé mes guitares, en mars dernier, ce qui fut un traumatisme total. J’en ferai jamais le deuil. C’était la guitare que mon père m’avait achetée, la première guitare haut de gamme que j’avais, elle sonnait d’enfer ! Pour dépasser ça, j’ai composé Go Further,  « Aller plus loin », qui sera la première chanson du prochain EP, et qui est totalement en rapport avec cet événement « Quelqu’un a volé mon esprit, mon sang, une partie de ma vie, mais j’ai besoin d’aller plus loin, ne pas m’arrêter là-dessus »,  I need to Go Further.

Cette chanson témoigne de mon implication dans l’instrument, parce que je veux aller plus loin dans la structure de mes morceaux, comme je le disais, mais pas seulement. Je pense que j’arrive à un moment de ma vie où je veux donner encore plus d’ampleur au projet. Ça passe par de nouvelles collaborations artistiques, notamment avec Paollo Didier, avec qui je bosse à la batterie, et Eugénie Ripoll, une amie qui m’accompagne à la voix.On s’est rencontré à la Daurade, autour de la musique, car c’est un endroit où tu peux facilement aller jouer en toute liberté, et où beaucoup de monde se retrouve pour jammer. Alors qu’on se connait plus ou moins depuis 3 ans avec Paollo et Eugénie, ça ne m’avait jamais traversé l’esprit ni de jouer avec Paollo, ni de chanter avec Eugé. Paollo m’avait fait comprendre depuis longtemps qu’il souhaitait jouer avec moi, mais je campais sur mes positions : j’étais bien seule, et pas sure de vouloir plus. Mais le fait qu’on me vole mes grattes…

C’est comme si la vie était passé par là pour me dire « écoute ma grande, je t’ai volé tes guitares, mais pas ton talent, donc maintenant tu vas te bouger le cul, parce que si tu fais rien de ce que t’as entre les mains, moi je te le retire » tu vois ! J’ai du mal à faire confiance, ou plutôt, disons que comme la musique est mon seul espace de liberté absolue, je fais très attention lorsqu’il s’agit de faire pénétrer quelqu’un dans cet espace. Mais ouais, en ce moment j’ouvre des portes, et peut-être que d’ici peu, MEE AND MEE, ce sera deux nanas et un mec !

Tu n’es pas sur les réseaux sociaux, je crois que t’es la seule dont on parle sur Opus qui n’y est pas. Et c’est un vrai choix de ta part !

En fait, c’est une question très délicate pour moi.. J’en ai parlé avec énormément de personnes, et surtout avec des amis qui étaient capables de recevoir tous mes arguments anti-facebook avec toute la colère que j’y mets quand je m’y mets ! J’ai utilisé facebook il y a quelques années, j’ai commencé en y écrivant des articles sur des thèmes philosophiques dont tout le monde se foutait, pour finir par me rendre compte qu’à la fin, je passais plus de temps à prendre des photos de moi ridicules de canard laqué qu’autre chose ! J’étais là « mon dieu.. Je ne suis pas comme ça quoi ! ».
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J’ai continué la zic sans page d’artiste, et les concerts n’ont jamais manqué. Puis j’ai été programmatrice de concerts lors de ma dernière année d’études, et là, j’ai vu que le problème de « est-ce que je suis sur facebook ou pas », ça rejoignait le problème de « suis-je visible sur le net ? ».

Pour mon public, c’est très difficile de me suivre, parce que la personne qui a adoré mon concert va intuitivement taper MEE AND MEE sur internet, quand elle a retenu le nom de scène sans faute d‘orthographe. Là elle va chercher pendant au moins 5 minutes une vidéo. En tombant dessus, elle ne va pas se rendre compte qu’un lien bandcamp lui permet de voir mes prochaines dates, et c’est foutu. Sauf grand hasard, elle ne reviendra pas me voir sauf si, par chance, j’ai pas pris son numéro après le concert pour lui envoyer mes infos par SMS.

Pour ceux qui voudraient me programmer en concert cette fois.. Même schéma ! Sauf que du coup, toi, en tant qu’artiste, tu peux soit te dire : putain, je suis trop con, parce que ça m’empêche de tisser certains liens. Soit, tu peux te dire que le truc d’être sur un réseau social pour essayer d’attirer le plus de monde possible, tu t’en branles ! Et tu t’en branles parce que tu as conscience que dans la musique, tout est certes, question de contact, mais encore plus question de « rencontrer les BONNES personnes » !

Et la bonne personne, c’est quelqu’un, de mon point de vue, qui te programme non pas sur la base d’un « ok, j’irais voir sur internet.. ah ! elle a 15 000 fans, donc je ne prends pas de risque si je la programme, pi en plus, je trouve que ce qu’elle fait, c’est pas trop mal » – pas trop mal ???? Non ! La bonne personne, en gros, c’est quelqu’un qui te programme parce qu’il te fait confiance non pas parce que tu vas lui ramener du monde, mais parce qu’elle sait que tu vas de toute façon le faire au vu du bien qu’on a pu dire de ta musique, et qui même, a hâte de t’entendre parce que comme toi, c’est quelqu’un qui pense musique avant de penser « rentabilité ».

Alors facebook, oui, pour mon public. Et encore… De mon point de vue, faut pas oublier qu’on est les vieux de demain, et qu’il est peut-être grand temps qu’on réfléchisse à une autre alternative que Facebook pour ce qui est du suivi d’un artiste ; qu’on crée un agenda culturel virtuel et indépendant sur le réseau monde.

Après comme me le dit très justement Paollo, libre à moi de l’utiliser comme je l’entends ! Ce qui est sur, c’est que si je fais une page un jour, ce sera une page du genre « hey ! Vous croyez m’avoir trouvée sur facebook, mais devinez quoi, je ne suis pas sur Facebook ! Ceci n’est qu’un message pour vous permettre de me suivre, parce que si vous êtes là, c’est en fait ICI que vous devez cliquer ! Vous trouverez tout ! Rien à ajouter, quittez vite cette page ! ».

Pour l’heure, je reste à mes bons vieux SMS.

Mais demain ton projet grandi, tu vas envoyer 4 000 textos ?

Ffff, non… Si.. J’en sais rien ! Je sais pas… T’es déjà allé en teuf ? En teuf, t’as entre 1000 et 2000 personnes qui sont souvent des gens qui vivent en nomade, des gens en camion, qui vivent sur un autre espace-temps, on donne le lieu au dernier moment, et ça marche qu’au texto. Je suis dans le même état d’esprit ! J’envoie un message à un pote, tous savent que je fais de la musique, car je ne peux pas m’empêcher de parler de ce que je fais, j’aime trop ça ! Je vais dire c’est là, telle heure, faites tourner l’info ! Le SMS est là. C’est plus chiant, ça demande plus de temps, mais je trouve ça plus vrai, plus direct, plus humain.

Pi, 4 000 personnes à prévenir tu me diras, à partir du moment où j’aurais 4 000 personnes à prévenir j’aurais plus besoin d’envoyer des textos. Tu vois ce que je veux dire ? Je suis en conflit intérieur sur ça. Je sais pas ! Facebook, pour moi, c’est certes un outil formidable, mais j’ai beaucoup, beaucoup de réticences. Je ne veux pas être une page de plus dans le magma virtuel des artistes référencés. J’ai pas envie de m’insérer là-dedans juste pour une question de visibilité et j’aime savoir que lorsque telle ou telle personne me contacte, c’est parce qu’elle y tenait vraiment, qu’elle est allée jusqu’au bout de son investigation pour trouver mon nom de scène, de là mon bandcamp, et mon adresse mail !

Pour finir, on va revenir à la scène. Quand t’es sur scène, est-ce qu’il y a une chanson que tu attends tout particulièrement ? 

Ouais, en ce moment Go Further, parce qu’elle était brouillon au départ avec tous les changements de tempos dont on parlait, et là elle passe nickel ! Y’a peu de temps c’était Empty Like You Are, avant encore Runaway From You, avant avant c’était What If de l’EP 21 21, avant encore c’était Elle… Y’a toujours eu une chanson phare en fait !

On en arrive aux dernières questions. Tu imagines ton festival idéal, où il se passe et tu fais jouer qui ?

Un endroit où il fait beau, avec un amphithéâtre permanent. Un endroit où tu voyages complètement en y étant, comme si t’étais à Myanmar en Birmanie. Un truc dépaysant, peut-être en France, Espagne, peut-être en Grèce en fait j’aime beaucoup le côté antique !

Et on fait jouer qui ?

Alors des potes zikos, sur un soir, du multiculturel ; pour commencer une animation, avec Yohan et son spectacle de clown qui est juste génial. On fait jouer Nadya des Three Dots et de The Black Jaywalker, une copine de Bruxelles, on fait jouer les Moaning Cities, un groupe de rock psyché Bruxellois, les Eyes Shakers, parce que Cédric, lui il chante comme les Doors, il joue sur un organon et avec Marco à la batterie c’est génial ! Je joue aussi ! Et puis j’invite Fanny des Shifoomies Band, une nana que j’ai découvert en festoch qui envoie du lourd. Et une dernière petite pépite, Ezza, blues touareg, avec Omar, un super pote que j’apprécie énormément !

Merci pour toutes ces découvertes, et à très bientôt sur scène. On rappelle aussi que tu participes au tremplin Le Roi De La Zik !

Merci à toi Rémy !

 

Prochaines Dates : 
Ven 04 mars 2016, Forbiden Zone, Toulouse (31)
AVRIL, CGT, Toulouse/ Saint-Sernin (31) – plus de précisions très prochainement
MAI 2016@ MIXART MYRIS – plus de précisions très prochainement !!!
Sam 25 juin 2016, Rencontres Culturelles de Bessières, Bessière (31)
released November 19, 2015
Crédit photos : Manu Dejean, retrouvez ses photos à l’O Bohem ici

Créateur d’Opus, Rémy est à la fois rédacteur et photographe dans notre media. Un mélomane qui écoute aussi bien du rock que du rap ou de la pop, et qui aime fouiller la scène locale.
C’est également lui qui gère le projet Focus d'Opus