Jazz sur son 31 : “Un festival en perpétuel mouvement.”
Débutée ce mardi, la 36e édition du festival Jazz sur 31 continue ce soir au Bikini avec la venue des Mancuniens de GoGo Penguin. Fusionnant jazz, musique classique et influences électroniques, le trio nous embarque à chacun de ses lives pour une expérience aussi déroutante que fascinante.
Jusqu’au 16 octobre, le festival propose près de 60 concerts dont la moitié de gratuit, une édition post-Covid à la redécouverte d’une planète jazz décidemment sans frontières ! De Cuba (Roberto Fonseca) à New York (Peter Bernstein, Hypnotic Brass Ensemble) en passant par le Japon (Takuya Kuroda), Tel Aviv (Oded Tzur) et bien sûr Toulouse (Fülü, Slim Paul, Johnny Makam…), ici le maître-mot est déborder !
Ca déborde d’abord dans les styles et il y a de quoi ravir les amateurs de Jazz comme les curieux mais surtout les surprendre et puis ca déborde dans tout le département avec une musique qui envahit 23 communes. Une belle occasion de discuter avec Soufiane Djaffer, programmateur du festival.
59 spectacles dont plus de 30 gratuits sur 23 communes, des artistes locaux, des émergents, des stars internationales… le public pourra comme chaque à édition découvrir les multiples horizons du jazz. Si tu avais 5 coups de coeur à nous faire découvrir ?
Il n’est pas évident d’extraire que 5 artistes mais puisque il faut se soumettre à l’exercice je dirais :
Takuya Kuroda, Zoe’s Shanghai, FÜLÜ, Coccolite et Samara Joy.
Cette année, on retrouve des artistes venant du Japon, d’Angleterre, d’Espagne, de Jamaïque, de Cuba… J’imagine que tu es heureux de pouvoir à nouveau proposer une programmation sans frontières. La crise du Covid est-elle vraiment terminée dans le secteur culturel ? Niveau programmation, il est comment ce monde d’après ?
Non la crise n’est pas complètement terminée, le secteur en subit encore les retombées (baisse de la fréquentation, restriction budgétaire, manque de personnel) à force de marteler qu’on était non essentiel peut-être que certains ont fini par le croire mais comme à son habitude le secteur se relèvera car la passion et la détermination sont des catalyseurs qui se fraient toujours un chemin à travers les obstacles.
Niveau programmation, avec de la volonté à tous les étages, on a pu reprendre une activité pratiquement normale. La seule différence est que les confirmations d’artistes arrivent tardivement, la production des spectacles est une course à l’information permanente et les cachets des headliners ont sensiblement augmenté.
Aretha Franklin nous a quitté en 2018, c’était important pour toi de proposer cette création-hommage (Natural Woman Band, mercredi 5 octobre à 19h au Pavillon République), est-ce une artiste qui a compté pour toi ?
Paradoxalement, c’est une artiste que j’ai découvert tardivement avec le film des Blues Brothers étant plus attiré dans ma jeunesse par les artistes du label Stax, après cela elle ne m’a plus quitté et son concert en 1972 à l’église de Watts immortalisé par un documentaire certe imparfait permet de se rendre compte de l’immensité de cette artiste.
“Le festival est en perpétuel mouvement, s’accorde avec son temps, toujours avec des propositions audacieuses”
La place des femmes dans la programmation justement : outre cet hommage, on retrouve quelques artistes féminines mais nous sommes encore loin d’une parité. Est-ce un enjeu / une contrainte que tu prends en compte lorsque tu sélectionnes les artistes ?
Effectivement, pour nous c’est une prise en compte permanente et un enjeu de chaque instant.
En partant du constat qu’elle ne représente malheureusement que 17% des offres artistiques, il est inscrit dans notre ADN cette nécessité de poursuivre cette quête afin que les femmes aient toute la place qui leur revient et que cela devienne même une norme.
Si je ne me trompe pas c’est ta 4e édition à la tête de la programmation du festival, comment Jazz sur 31 a-t-il évolué ces dernières années ?
Après 35 années d’existence et fort d’un travail sain déjà accompli durant toutes ses années par la direction artistique et les équipes, comme le style qu’il représente, le festival est en perpétuel mouvement, s’accorde avec son temps toujours avec des propositions audacieuses et l’idée d’accompagner et de proposer des artistes et des actions sur l’ensemble de la Haute-Garonne.
Quelles sont tes ambitions pour le festival ?
Avec le jazz et ses formes artistiques associées, continuer à irriguer les territoires, multiplier les actions de médiation, proposer des créations inédites, associer les acteurs culturels dans leur diversité. En résumé : toucher le maximum de monde.
Si tu avais un budget illimité, quel(s) artistes aurais tu aimé programmer au festival ?
Vulfpeck, la création Snarky Puppy avec les maîtres Gnawas, Erykah Badu, Jorja Smith, Herbie Hancock, Alicia Keys tu veux que je continue ? (rires).
Booker chez Shabaz puis directeur du Metronum et aujourd’hui à la direction des arts vivants au conseil départemental, cela fait plus de 10 ans que tu t’agites dans le secteur culturel toulousain, quelle est son évolution ? Dirais-tu que c’était vraiment mieux avant ?
Le secteur s’est structuré, professionnalisé, diversifié, décloisonné mais tous ensemble il nous reste tellement à faire !
N’étant pas un adepte de cet adage, même si parfois j’aime bien l’utiliser dans ma bataille sonore avec mon fils ainé sur le rap entre le old et new-school, je considère que chaque époque amène son lot d’évolutions et malheureusement aussi de régressions. Il faut toujours être vigilant et alerte afin de ne jamais considérer qu’un acquis est pérenne.
En 10 ans, on ne compte plus le nombre de salles, de bars concerts, de lieux culturels qui ont dû fermer leurs portes, les assos qui ont perdu leurs énergies… Il y a quelques semaines encore, la nouvelle salle de L’Ecluse a dû cesser son activité suite à une décision administrative. La vie culturelle toulousaine est-elle vouée à se réinventer loin de son centre comme le suggère le Rose Festival ?
Ceci n’est qu’une question d’équilibre, il faut sortir de cette dualité centre/périphérie, il est nécessaire d’avoir des lieux dans les centres villes qui respectent la quiétude des voisins mais qui d’un autre côté ne subissent pas une hystérie collective à la moindre fausse note. J’espère qu’une solution sera trouvée pour L’Ecluse car Toulouse a besoin de ce lieu.
L’accompagnement des associations dans leur diversité est primordial et salutaire pour nous tous, sans elles c’est tout un écosystème qui s’effondre. Il est souhaitable d’actionner par tous les moyens nécessaires les leviers afin de rendre la culture accessible à tous, mailler un territoire avec des propositions artistiques audacieuses et surtout accompagner les artistes qu’elles que soient la discipline.
Si tu devais citer un groupe de la région qui t’a marqué ?
Sloy
Et un groupe régional que tu aurais aimé voir en live ?
KDD
Ton 1er souvenir de concert à Toulouse ?
Suicidal Tendencies à l’ancien Bikini en 1993 !
Ton meilleur souvenir de concert dans la région ?
Fugazi
Si tu devais résumer Toulouse en un lieu , une chanson et une personnalité ?
Tribune Brice Taton au Stadium / Ô Toulouse de Claude Nougaro / Jean Jaures
Retrouvez toute la programmation sur le site de Jazz sur son 31
Interview réalisée par Julien