Rhum et Brasier : cocktail signature de Sans Doute Ailleurs

Comme beaucoup, j’use et re-use les playlists proposées par les curateurs des services de streaming, j’y pioche un morceau, l’écoute, l’oublie, repioche, l’écoute quelques secondes me disant que ce n’est pas pour moi. Et puis parfois dans ce flow, au milieu de la glaise et de ces cailloux déjà trop poli, trop façonné, je déniche cette pépite, ce Bandini pour Bukowski, les textes touchent, le son est là à la portée de tous et pourtant on dirait qu’il nous appartient.
Nicolas Lafforgue n’est pas un inconnu de nos pages, loin de là, de ce Bruit qui court, rock tendu et explosif à ses dernières montées sur le ring, capuche sur le crâne, numéro 10 floqué dans le dos. Il est de ces auteurs qui n’ont pas peur des émotions.
Sans doute ailleurs, son nouveau projet accompagné des saxophones libres et puissants de Léa Cuny Bret et Jérome Bievelot, dégage cette odeur si particulière. Est-ce du bois calciné ? Des pneus qui brulent ? Le parfum entêtant de cette pelouse fraichement coupée ? Volutes organiques et éphémères, de celles d’un EP composé avec les tripes et le cœur.

Dans ce brasier danse cette rage de la révolte, les mots bruts et sans artifice semblent comme distillés dans des alambics presque antiques de ceux que l’on utilise malheureusement plus dans les productions actuelles. Ici, humeur et douleur s’y mélangent avec une superbe simplicité.

“Un cinq”, leur premier EP mêle basses analogiques, nappes de synthés mélancoliques et le souffle tellurique de ces 2 sax. L’univers est sombre mais à tout moment la lumière peut jaillir. C’est un peu comme ce N°5 du Real de Madrid dont les fulgurances suffisaient à éclairer les terrains qu’il foulait, ou comme les mots magnétiques de ce rugbyman conteur.

« Je suis une chanson dont tout le monde se fout – je suis le but de la main – je suis tout sauf tout seul – je suis un ferme ta gueule. »

Humez avec délice l’air que nous souffle ce Rhum & brasier, il n’annonce pas la venue des couleurs chatoyantes du printemps (malgré les couleurs pastels de sa pochette) mais éclaire des traces de mémoire.

Julien