Soufiane Djaffer : « La culture c’est nous tous et le Metronum en est un outil »
À quelques jours de l’anniversaire du Metronum, on a rencontré Soufiane Djaffer, le responsable du Metronum. Une interview comme on en fera peu, au cœur de la salle toulousaine. L’occasion de revenir sur la genèse du projet et d’aborder l’actu de la salle : la programmation de l’anniversaire du Metronum mais aussi le tremplin des Inouïs du Printemps de Bourges.
Un an de Metronum, déjà ! Quel est le bilan de cette 1ere année musicale ?
Le bilan en terme de fréquentation, on a une grosse augmentation entre le début et la fin de l’année. Les Toulousains se sont approprié la salle, y’a un ancrage territorial. C’est vrai que le fait de faire une programmation jeune publique, le fait de participer à la fête de la musique, a ancré le lieu, il y a encore du boulot mais ça a ancré le lieu. Une satisfaction de complémentarité aussi avec les autres lieux, y’a pas eu de kwak. Le Metronum est arrivé comme s’il existait depuis des années parce qu’il n’y a jamais eu la volonté que la programmation soit chronophage, le but était de laisser de la place. Une satisfaction aussi avec les acteurs culturels : le cluster commence à prendre forme, le centre de ressources vient d’ouvrir, les locaux de répétition bientôt, donc petit à petit le lieu prend forme. Après y’a des choses qui ont moins bien fonctionné, il faut qu’on donne plus de place à la Music Box, la petite salle, qui va être l’un de nos projets 2015, donner plus de place à cette petite salle aussi.
Avant d’aborder l’aspect musical, j’aimerai qu’on s’arrête un peu sur l’architecture de cette structure. On n’est pas loin de la salle parfaite ! Moderne, acoustique parfaite, adaptée aux publics handicapés, il y a aussi ces marches au milieu qui permettent à tout le monde de voir les concerts…
Disons que ça c’était la volonté d’Hervé Bordier, Directeur des Musiques Actuelles à Toulouse, qui a suivi l’architecture et tout le dossier… Grâce à son expérience, j’imagine qu’il a fait le tour des salles, il a sollicité pas mal aussi les acteurs culturels toulousains au moment du chantier. Il faisait des visites et je m’en souviens, car à l’époque j’étais chez Shabaz et j’avais été convié à visiter le lieu, c’était presque un an avant que je prenne mon poste…. Salle parfaite je ne sais pas, je ne suis pas un grand fan de l’auto satisfaction, mais en tout les cas ça répond aux normes, ça a été travaillé avec le pôle handicap. Il a dû se baser sur des salles comme La Cartonnerie à Reims qui ne sont pas plates et c’est vrai que l’avantage d’ici c’est qu’on peut voir partout !
Sur la partie salle de concert, le Metronum est tantôt programmateur, tantôt structure d’accueil : est-ce que c’est commun à toutes les salles ou propre à cette structure ?
Oui c’est commun il y a beaucoup de lieux privés qui font ça. Maintenant il y a aussi la volonté de la Mairie de Toulouse de mettre à disposition le lieu pour que les acteurs cultures privés ou associatifs puissent bénéficier de l’outil et proposer des choses. Après ça fait partie de mon boulot de maintenir un équilibre, de faire en sorte que ce soit cohérent. Mon but ultime c’est que ce soit cohérent, qu’on est l’impression qu’il n’y a qu’une seule production. Je pense que par moment j’y arrive, malgré le fait qu’il y ait une exploitation de plusieurs styles musicaux différents. Ça, c’est la marque de fabrique !
Le Metronum c’est aussi un laboratoire musical avec la volonté de créer un véritable cluster local. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet et ses avancées ?
Le cluster a mis du temps à démarrer, on ne va pas se mentir. Maintenant ce n’est pas évident de regrouper 17 structures qui sont dans des dynamiques totalement différentes. Ils ont été associés dès le départ, les portes ouvertes ont été organisées par le Cluster, et petit à petit ils s’approprient le lieu, sont force de proposition, proposent des débats, des conférences, je pense qu’il y aura des spectacles aussi même si en tant qu’entité ce n’est pas leur rôle premier. Ils ont participé avec nous sur la journée de la Fermeture des jardins du Muséum : souvent l’ouverture c’est Rio Loco et là la fermeture c’était avec des acteurs du Cluster. Donc ils prennent leurs marques, nous aussi avec eux, je pense qu’il y a un bel avenir !
Finalement le Metronum, c’est LE lieu de métissage musical : musiques plurielles, groupes locaux ou non, votre prog où celle d’autres acteurs…
Oui, équilibre, métissage et décloisonnement ! Je n’ai pas de barrières. Après c’est certainement issu de ma culture personnelle, j’ai grandi comme ça, j’ai horreur des étiquettes, du cloisonnement, des étagères… Peut-être que ça se ressent inconsciemment mais en tous les cas c’est dans ma nature, c’est ce que je faisais avant avec mon asso ! Ce qui compte c’est la scène, après bien sûr je ne suis pas fan de tous les groupes qui sont passés ici mais je laisse la place à un maximum de styles !
Comme un symbole de ce métissage, le Metronum accueille pour la 2e fois le tremplin régional des Inouïs du Printemps de Bourges !
C’est Avant Mardi qui est le relais du Printemps de Bourges. Une sélection est faite où il y a beaucoup d’acteurs autour de la table. Chaque région a son tremplin et on doit être une des rares régions où il y a autant de monde autour de cette table, l’an dernier on était 16 ou 17 à décider, donc c’est des votes, des discussions. Après c’est un partenariat entre Avant Mardi et nous.
Toujours dans le volet découvertes, tu as une vraie expertise de la scène locale de par ton poste et ton passé : comment qualifierais-tu la scène régionale et comment a-t-elle évolué selon toi?
C’est sûr que quand j’étais dans un groupe, dans les années 90, on était moins nombreux, c’était moins structuré. On avait plus de lieux mais c’était moins structuré. Faudrait qu’on fasse un bilan savoir si c’était mieux ou pas… Il y avait moins de difficultés à jouer. Et là depuis une dizaine d’années on a une explosion, par le fait que des lieux se sont ouverts comme La Dynamo, Le Connexion Live, Le Bikini qui est quand même un lieu historique, moi je suis un enfant du Bikini j’ai grandit et fait mon éducation live là-bas ! Et là on le ressent, des groupes émergent, on a une scène florissante, ce qui me rassure toujours c’est qu’on a pléthore de styles différents. Petit à petit c’est lié à la structuration des acteurs: Music’Halle est là depuis je ne sais combien d’années par exemple… Le Bijou est là, y’a Détour de Chants, y’a plein de propositions ! Derrières des groupes se retrouvent, des artistes se mélangent, et là on récolte les fruits en ce moment ! On a eu un petit creux il y a quelques années et là c’est reparti !
Tu dois être en permanence à l’affut de découvertes : comment ça se passe pour toi : par le web, par tes réseaux, tu vas voir des concerts ?
C’est un peu tout ça ! La recette miracle c’est être curieux ! À l’époque de Shabaz notre slogan c’était “Être curieux ou mourir“, c’était notre façon de se faire connaître et ça a marché ! J’écoute beaucoup de musique tous les jours forcément, c’est vrai que je reçois pas mal de mails de tourneurs, il y a aussi les magazines ! J’ai tendance à prendre le magazine, un casque, YouTube et c’est parti ! Après je fouille, je passe pas mal de temps chez les disquaires. Donc c’est un peu tout ça !
Un an, un peu plus de 80 concert et ce weekend qui se dessine, avec une prog’ qui nous parle chez Opus : Laetitia Sheriff, Eddy Crampes, I Me Mine, Rufus pour la Clutchorama…et j’en passe. Ces 4 jours sont pensés différemment d’une prog’ classique pour vous ?
Différemment forcément, car c’est 4 jours, entre 4 et 5 groupes par jours à part le dimanche dédié au jeune public. L’idée c’est d’ouvrir, de rester éclectique tout en restant dans la même famille musicale. En tous les cas le but du jeu c’est que ceux qui viennent écouter Eddy Crampes découvrent Laetitia Sherif, que celui qui aime Totorro découvre Matthew Caws qui est quand même le chanteur de Nada Surf… On veut faire des tremplins, c’est pour ça que les deux salles jouent ce qui est une nouveauté… Le dernier soir avec Clutch on est plutôt dans une découverte globale de certaines formes artistiques : expo, performances, y’a des groupes, photomaton… Y’a eu une réflexion, liée aussi à la dispo des artistes, car Janvier c’est pas la super période. Avec les Whomadewho c’est aussi faire venir un groupe qui n’a jamais joué à Toulouse, faire revenir Thylacine qui était venu il y a super longtemps et qui cartonne bien en remettre une touche, car j’aime beaucoup cet artiste.
Quels sont vos rôles Hervé Bordier et à toi : comment travaillez-vous ensemble ? Comment se passe ce travail de programmation ? On veut tout savoir !
Disons que je suis la fougue, je propose des trucs tout le temps, lui représente la sagesse et l’expérience. On travaille ensemble sur la finalité. Il est lié au projet, je ne fais pas tout seul, il me propose aussi des choses. On travaille en commun, on est d’accord sur les fondamentaux et ça c’est bien du coup il n’y a pas de soucis. On travaille sur une base d’échanges, des fois je lui demande ce qu’il en pense ou l’inverse. Ça reste dans une certaine cohésion, avec une logique hiérarchique, car c’est mon directeur mais il ne m’impose rien, moi non plus, et ça se passe très bien !
On en arrive aux questions rituelles : dans un festival idéal qu’on va imaginer au Metronum, qui voudrais-tu programmer ?
Un festival idéal ? Oh lala ! Helmet… La reformation des Bad Brands mais ça sera dure, car le chanteur est en HP. À côté de ça un hommage à Cheikh Raymond, le papa de la musique arabo-andalou, un plateau hip-hop, j’en sais rien en fait ! J’ai pas d’idéal ! J’ai des groupes qui m’ont marqué, personnellement, mais encore une fois je ne programme pas pour moi, et je ne détiens pas la culture. On me fait confiance pour mener à bien un projet mais on ne m’a pas dit “c’est toi la culture“. La culture c’est nous tous, ici c’est un outil et j’essaye de dynamiser tout ça. Mais un Festival idéal ouais ça serait le maximum de styles différents, que tout le monde se mélange et qu’on arrête de se poser des questions absurdes, que parce qu’on écoute tel style on ne peut pas se mélanger… Du vivre ensemble !
Opus est un webzine de découvertes musicales : peux-tu nous conseiller quelques groupes à aller écouter ?
Mes dernières claques ? Il y en a quelques-unes hein ! Sohn, un groupe autrichien. Le dernier Run the jewels, projet hip-hop juste la grosse claque. Là tu me prends de court, car j’ai dû acheter 30 CD ces derniers jours… Le projet aussi de DJ Shadow qui est pas mal ! Mais s’il y a un groupe à venir écouter c’est Totorro, un petit groupe de Rennes qui a emmené de la fraicheur sur la scène. Y’en a plein, soyez curieux !
Merci à toi et on se retrouve donc le weekend prochain pour l’anniversaire du Metronum !
Rémy