Le Bijou : “Continuer à mettre sur scène tous nos coups de cœur”

Quand on pense à une salle toulousaine qui a 30 ans, on pense au Bikini. Et pourtant, Le Bijou est aussi là depuis 3 décennies aussi. Une salle audacieuse, bien évidemment gérée par une équipe de passionnés de musique. On est allé poser quelques questions à Emma et Pascal qui gèrent le lieu pour en savoir plus sur cette maison incontournable de la chanson à Toulouse…

Bonjour Le Bijou ! Je voulais commencer par vous dire Bravo ! 30 ans de scène c’est pas rien…

Bonjour Rémy. Merci pour les félicitations !

C’est vrai que 30 ans, ça commence a faire un sacré bail. On est bien contents que le Bijou soit encore là, aussi vivant et vivace, car beaucoup de lieux ou d’événements disparaissent chaque année. C’est un peu dingue comme durée. 30 ans c’est plus de 350 000 spectateurs, presque la population de Toulouse ! C’est à peu près 4000 artistes, chanteurs, musiciens ou comédiens qui sont montés sur scène. C’est quelques litres de bière et de vin aussi (rires).

Et puis, le Bijou est vraiment une institution toulousaine. Un peu dans l’inconscient collectif des toulousains. On est toujours bluffé et amusé par nos amis ou notre famille qui parlent de nous et du Bijou dès qu’ils croisent un Toulousain ailleurs en France… Nos mamans sont fières (rires) !

Est-ce que l’équipe en place est là depuis les débuts ? Si non, pouvons-nous faire un rappel tour d’histoire de votre salle ?

Pas mal de choses ont changé depuis la création du lieu. S’il y avait à la base 2 créateurs (Philippe Pagès et Patrick Kolpoth, décédé depuis), pas mal de personnes ont gravité autour du lieu.

Il y a eu de grands moments, et des difficultés qui ont bien failli faire disparaître le lieu quasiment à sa naissance. L’époque où le Bijou n’était reconnu par aucune institution a été difficile car déjà le Bijou se faisait un point d’honneur de rémunérer tous les artistes jouant sur scène. Le moment où le lieu est passé d’une salle de concert « debout » où quelques centaines de personnes pouvaient se presser pour voir les Têtes Raides ou 100 % collègues à un lieu de concert assis de 89 places (question de sécurité…) a été difficile à gérer. Mais ce sont des moments que nous n’avons pas personnellement connu : nous sommes arrivés en septembre 2012 quand Philippe Pagès a décidé de passer la main.

Le Bijou a toujours été un lieu dédié à la chanson ?

Si quelques expériences artistiques ont été tentées au début (big band de jazz, cirque, théâtre), le Bijou est vite devenu une salle dédiée à la chanson. C’était la volonté de l’association de valoriser les artistes émergents et la chanson d’expression francophone. À force, le Bijou est devenu nationalement reconnu pour son travail. Je crois que c’est l’exigence artistique, celle dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui, qui a permis de donner cette image au Bijou.

Quand vous avez repris la salle, vous avez hésité à diversifier la couleur musicale du lieu ?

On a donc repris en septembre 2012. Quant à la couleur musicale, il n’était pas question d’y toucher. C’est pour la chanson que nous sommes venus. C’est une esthétique qui nous colle à la peau depuis des années. Alors bien entendu, on fait quelques écarts vers le jazz ou les musiques du monde, mais on reste majoritairement chanson.

Par contre, il faut préciser que « chanson », c’est un terme générique qui inclut une multitude d’esthétiques différentes : chanter en français n’interdit pas de faire des incursions dans des modèles électro, pop ou rock. Et on adore aller chercher des artistes qui brouillent les pistes comme ça.

J’aimerais qu’on s’arrête un petit peu sur un concept complètement fou que vous organisez : Les soirées  osons, où des inconnus viennent présenter leur projet. Vous pouvez nous en dire plus ?

Osons, c’est des auditions publiques. et ça existe depuis plus de 15 ans. Au départ, ça s’appelait les Joueurs de Voix, d’ailleurs. Le principe est donc de ne pas sélectionner les artistes en amont. Tout le monde peut venir chanter quelques chansons sous réserve de respecter quelques règles basiques : ne pas faire de reprise, avoir un son plutôt acoustique, et chanter de préférence en français.

Sur scène, c’est très amusant car on trouve tous types d’artistes : des jeunes qui montent sur scène pour la toute première fois, des artistes confirmés qui viennent tester quelques nouveaux titres avant de les enregistrer en studio, des amateurs éclairés, des artistes qui veulent être vus pour être ensuite programmés ici ou ailleurs… Il y a tellement de demandes pour venir y jouer qu’on a été obligé de limiter aux artistes régionaux. mais la région est grande : de Perpignan à Mende ou de Auch à Nîmes, il y a de la marge !

Quelques exemples de groupes découverts avec les soirées Osons ?

Parmi les Toulousains, on peut citer Manu Galure, qui a entamé sa deuxième année de tour de France à pied et en chanson, Chouf ou Jules Nectar, que nous recevons encore régulièrement. Ou encore Strange Enquête. Il y aussi Gauvain Sers, qui est monté sur une scène pour la toute première fois sur un Osons en 2011 et qui depuis a fait quelques dizaines de premières parties de Renaud l’année dernière, avec un énorme succès.

L’autre particularité du Bijou, c’est l’heure de concert : après le repas, à 21h30. Pourquoi ce choix ?

Ca fait partie des choses que nous n’avons pas changé à notre arrivée. Parce qu’une bonne soirée de concert passe aussi par la possibilité de prendre un bon repas. À titre personnel, on trouve qu’un concert à 20h30 c’est casse-pied : pas le temps de manger avant, à part un sandwich sur le pouce, ni après car peu de restaurants restent ouverts après 22h30. Du coup, avec un concert à 21h30, on a le temps de manger avant, de discuter et de refaire le monde puis d’aller au concert. Certains disent que c’est tard. Peut être un peu mais par contre : on commence à l’heure ! Si tu arrives à 21h33, tu as raté le début.

Le Bijou accueille une très belle date mi octobre avec deux jeunes talents : Laura Wild et Lombre. Comme quoi, la chanson n’est pas réservé qu’aux quadra !!!

Ah mais bien sûr ! Il y a tout un tas de jeunes artistes dans la région qui n’ont rien à envier à leurs aînés, et qui font une chanson « actuelle ». Si on prend le cas de Lombre, c’est un super auteur qui utilise le rap pour passer son message. Ses productions musicales sont terribles, il est accompagné par un guitariste qui apporte une touche acoustique au concert. Il a trouvé un équilibre étonnant pour un artiste de son âge.

En ce début de saison, on fait la part belle aux tout jeunes artistes ou projet très récents. Nous avons accueilli le tout nouveau spectacle de Claire Gimatt, ainsi que Matéo Langlois qui a fait une performance incroyable.

Une autre belle date arrive en octobre avec la release de Joulik. Mais vous, quelles dates voulez-vous nous présenter dans la saison ?

C’est pas facile de mettre tel ou tel artiste en avant. Tous ceux qui sont sur le programme, ce sont des artistes que nous avons vus sur scène, que nous avons appréciés, avec qui nous avons vibré. On a éventuellement discuté ou bu un verre (ou plus…) avec eux après le concert… On les aime tous, en fait.

Si on doit en citer, on retiendra quand même les projets menés par les 2 anciennes du groupe Orlando : BEL ARMEL et AÏDA. Elles ont toutes les 2 pris des chemins très différents. On aura aussi une belle soirée consacrée à l’accordéon avec Clara Sanchez et Yvette not dead. Et on pourrait aussi citer la centième du Cabaret All’Arrabbiata début novembre.

Le Bijou ne fait pas qu’accueillir, vous accompagnez des artistes, comme Strange Enquête. C’est un gros du travail du Bijou cet accompagnement ? Et comment il se concrétise ?

C’est la partie immergée de l’iceberg. Ça ne se voit pas, mais ça prend du temps et de l’énergie. C’est un peu fou, mais c’est ce qui nous fait vibrer aussi. Pour Strange Enquête, par exemple, c’est un groupe qu’on a vu pour la première fois sur scène en septembre 2012 au  Bijou. C’est Philippe Pagès qui les avait vu une première fois sur une audition publique « Osons ». On a vu ce concert devant un public plus que clairsemé. Et pourtant, il s’est passé quelque chose… Je ne sais pas quoi, mais ça fait maintenant 6 ans qu’on travaille avec eux. Qu’on vit avec le groupe les bons et les mauvais moments. Qu’on avance ? Et je crois vraiment que ça fait partie des choses qui nous font vibrer.

Concrètement, on passe du temps avec les artistes, on discute soit de leur fonctionnement administratif, soit d’artistique. On parle du développement du projet. On voit ensuite comment intervenir : aide financière ou administrative, aide à la tournée… On peut agir sur pas mal de choses. En tous cas, on utilise notre connaissance des réseaux “chanson” pour les aider à avancer. Et bien entendu, il y a un préalable, une choses sur laquelle seul l’artiste peut intervenir : la qualité et le professionnalisme du projet.

On en arrive aux questions rituelles chez Opus… La première : si vous pouviez organiser votre festival rêvé, vous faites jouer qui et où ?

On dit souvent pour rire : “Quand on sera grand, on sera Alain Navarro.” Pause Guitare est pour nous LE festival. C’est à la fois humain et chaleureux, de par l’équipe qui l’organise et la nuée de bénévoles tous à l’image du couple Alain et Annie. Il y a d’un côté les découvertes, et de l’autre des concerts “grand public” sur l’immense scène de Pratgraussal. Chaque année c’est encore plus gros, encore plus beau, avec encore plus de monde. Vraiment bluffant !

Du coup, le rêve d’Emma serait de mettre sur la scène de Pratgraussal The Cure et Hawksley Workman, un artiste canadien découvert il y a 10 ans qui est juste incroyable. Mais tout cela n’est pas très “chanson française” donc plus sérieusement, Loic Lantoine et le Very Big Experimental To be Free Orchestra, Thomas Fersen et Imbert Imbert.

Bon mais ce ne sont que des garçons… et la parité ? Version fille sur une plus petite scène intimiste :  Camille et Juliette, Melissmell, Camille Hardouin et Léopoldine HH !

Et enfin, si vous vouliez nous faire découvrir 3 projet, auxquels pensez-vous ?

Seulement 3, c’est vraiment trop dur… On va tricher et en donner discrètement un peu plus, juste pour que le lecteur découvre s’il est un peu curieux : Camille Hardouin et Valérian Renault sont 2 artistes hallucinants. Léopoldine HH est une sorte d’extra-terrestre comme on les aime.

Et en Région, on pourrait parler de Archibald, que nous accompagnons. Il fait une sorte de rap acoustique vachement bien réalisé. Il a d’ailleurs fait une quinzaine de premières parties de Sanseverino au printemps dernier. Il prépare actuellement un bel album et un tout nouveau spectacle pour le début de l’hiver 2019.

On termine avec les “Monologues d’un Code-Barre” de Jérôme Pinel (c’est le chanteur-Slammeur de Strange Enquête). C’est un solo de slam/poésie brute. Une heure et quelques de texte théâtralisé. C’est juste une magnifique performance. On va essayer de l’emmener à Avignon cet été pour lui donner un peu de visibilité.

Et le mot de la fin. Notre rêve est de pouvoir continuer à mettre sur scène tous nos coups de cœur, sans se soucier de n’avoir que 3 personnes dans la salle. Que le public soit présent en nombre à chaque fois car assez curieux pour venir un mardi soir découvrir un artiste inconnu mais qui lui procurera des émotions, de la joie, du bonheur ! On a créé le hashtag #osezdecouvrir. Finalement c’est simple : il suffit d’éteindre sa télé et de sortir voir du vivant !

Merci à vous deux pour ces réponses ! 

Merci Opus, Merci Rémy. et à bientôt !

Rémy

Créateur d’Opus, Rémy est à la fois rédacteur et photographe dans notre media. Un mélomane qui écoute aussi bien du rock que du rap ou de la pop, et qui aime fouiller la scène locale.
C’est également lui qui gère le projet Focus d'Opus